Viki Gomez : freestyle sur le BMX, pas sur l’avenir
À l’aube de son nouveau projet d’envergure « L.U.X Luxembourg Urban Xperience » mené avec son épouse, le multiple champion du monde de BMX Viki Gomez inscrit plus que jamais les sports urbains dans l’identité du Grand-Duché, où il a fondé son foyer. Avec un kick off mémorable à la mi-novembre aux Rotondes – où le couple a réussi un coup de maître en organisant les Championnats d’Europe de BMX Flatland Freestyle, Viki se permet à la fois de faire un bilan des 25 dernières années passées sur le circuit pro et de regarder vers l’avant où les valeurs de transmission et d’inclusion qui lui sont chères tiendront une place centrale dans ses futurs accomplissements. Une occasion parfaite pour s’asseoir avec lui et sa douce autour d’un bon café – et de poser une de ses imparables figures en couverture de ce numéro 89…
Viki, pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore, peux-tu nous raconter un peu d’où tu viens et ce qui t’a amené au BMX Flatland, ainsi qu’au Luxembourg ?
Bien sûr ! Je suis né à Madrid il y a quarante-trois ans maintenant et j’y ai grandi. À l’époque de mon adolescence, le BMX est devenu une vraie tendance dans la ville, mais il n’y avait aucune rampe, pas vraiment de skate park : le Flatland − c’est-à-dire la pratique de figures freestyle sur un sol plat − était donc plus ou moins la seule option et c’est dans celle-ci que je me suis épanoui. J’ai commencé à faire des compétitions avec succès en Espagne, puis je suis devenu professionnel en 2000. Un beau jour, lors d’un event organisé par Redbull au Danemark, j’ai croisé le regard d’Alexandra − qui travaillait pour la marque à l’époque − et ça a été le coup de foudre ! Née au Luxembourg, elle y avait des attaches familiales et professionnelles, on a donc décidé de s’y installer quand le moment était opportun, il y a douze ans. Aujourd’hui, nous y vivons une vie de famille géniale avec notre fille, ainsi que professionnelle vu que nous travaillons ensemble, même si je voyage toujours beaucoup.
Quels sont les aspects de ton sport que tu aimes particulièrement ? Existe-t-il une vraie communauté des champions ?
Le BMX Freestyle Flatland consiste en des figures et des rotations très techniques, rapides et originales exécutées sur une scène plate − ce qui donne son nom à la discipline. Sur le plan de la pratique même, j’aime la combinaison entre la technique et l’artistique. Pour être remarqué et réussir sur le circuit des compétitions, il faut amener sa propre touche, inventer de nouveaux tricks, de nouveaux mouvements ou de nouvelles positions… Mon style perso est très particulier, il se caractérise par un côté très vivant et organique, par des mouvements spécifiques qui connectent plusieurs positions… Quand on parle de communauté, il y a eu des hauts et des bas, je pense, sur ces dernières décennies. Lorsque j’ai commencé à Madrid, à la fin des années 90, le mot important était le sport, avant tout. Peu importe ton background, tout le monde se retrouvait sur la pratique d’un sport fédérateur. Lorsqu’on passe sur la scène professionnelle, cela peut devenir assez différent…
« POUR ÊTRE REMARQUÉ ET RÉUSSIR SUR LE CIRCUIT DES COMPÉTITIONS, IL FAUT AMENER SA PROPRE TOUCHE, INVENTER DE NOUVEAUX TRICKS… »
Dans quel sens ?
Il y a la dimension politique qui apparaît ; les politiques internes relationnelles, bien sûr, mais aussi la politique externe que font entrer certains sportifs. Certaines jalousies, certains jugements hâtifs… Je pense qu’il faut vraiment faire attention et qu’on doit garder absolument en tête le fait que l’on pratique un sport qui rassemble différentes générations, même s’il devient une belle opportunité de business pour les professionnels et les marques − et un vrai travail pour les meilleurs, ce qui est mon cas depuis des années. Malgré ces quelques mauvaises vibes qui ont pu apparaître dans notre secteur, j’ai l’impression que cela va dans un bon sens en ce moment et que l’ambiance traduisait bien cette dynamique positive lors du Championnat d’Europe que nous avons organisé en novembre aux Rotondes !
Justement, pouvez-vous nous parler un peu de cet événement, qui a été un vrai succès ? Il s’agissait d’un aboutissement très attendu pour vous ?
Absolument ! Il s’agissait de l’aboutissement d’un travail de plusieurs années et d’une grosse préparation, mais aussi et avant tout de l’événement de lancement de notre projet commun : L.U.X. Luxembourg Urban Xperience by GG.M. Gobran Gomez Management. Il s’agissait d’un championnat d’Europe très officiel, organisé en collaboration avec la FSCL – Fédération du Sport Cycliste Luxembourgeois et les Rotondes, lors duquel étaient accueillis des champions de toute l’Europe, avec une phase éliminatoire et une finale ouverte au public dans la Grande Salle des Rotondes. C’est le champion français Matthias Dandois, qui a offert une belle visibilité à notre sport lors des Jeux Olympiques de Paris, qui a remporté le titre.
Et tu as assuré une jolie seconde place, Viki ! D’ailleurs, on a pu voir alors sur le tableau des scores que Viki n’était pas ton vrai prénom?
Oui, c’est vrai que je dois l’avouer, je m’appelle réellement Jorge, mais dès que j’ai commencé à faire du BMX, on m’a appelé Viki en référence à un dessin animé de notre enfance. J’ai gardé ce nom de manière usuelle par la suite, mais les tableaux affichent mon nom officiel (rires) !
Alexandra, ton rôle en tant que manager est très important dans ce projet commun − comment est perçue ta position ?
C’est quelque chose qui est très rare sur le circuit : lorsque j’ai décidé de faire du management de Viki mon métier et de devenir sa partenaire business en plus de son épouse, c’était une première, il y avait et il y a toujours très peu de femmes dans la pratique du BMX. Le rôle même de manager, dans le BMX, était une nouveauté ! Je suis avocate de formation, je pourrais travailler dans bien d’autres milieux, mais notre vision et nos projets se font à deux, on est super complémentaires et c’est ce qui marche auprès des organisateurs et des sponsors. C’est ce qui s’est passé pour cet événement : il s’agissait de la troisième édition du championnat, mais les deux précédentes avaient été organisées par des villes, non par des porteurs de projets spécialisés, « par des riders, pour des riders » − ce qui rend son succès encore plus spécial pour nous…
« LE SUCCÈS DU CHAMPIONNAT D’EUROPE QUE NOUS AVONS ORGANISÉ VIA L.U.X. LUXEMBOURG URBAN XPERIENCE BY GG.M. EST PARTICULIÈREMENT IMPORTANT POUR NOUS »
L’accès de la discipline au statut olympique a changé les choses également ?
Oui, depuis 2020, cela a changé énormément de choses, notamment par le fait que le statut olympique fait passer la discipline sous la compétence des fédérations. Et les événements liés à ces fédérations nationales, comme le FSCL, fait que les événements se doivent d’être accessibles à un public plus large, ce qui était vraiment le cas pour le championnat de novembre, ici à Luxembourg. C’est une grande satisfaction que les aficionados du BMX Freestyle Flatland ne devaient pas dépenser une somme folle sur un event privé pour voir des prestations d’envergure mondiale et puissent se sentir inclus, échanger avec les sportifs, sentir l’ambiance unique d’un sport qui l’est tout autant et qui a un avenir absolument dingue…
Parlons avenir justement : quels sont les projets pour cette entité « L.U.X. Luxembourg Urban Xperience by GG.M. » que vous avez lancée ?
Il s’agissait en effet du premier pas public de Luxembourg Urban Xperience, qui a vocation à évoluer de différentes façons dans les années à venir. L’objectif premier est d’organiser dès l’année prochaine un festival de trois jours dédié aux sports urbains : BMX bien sûr, mais aussi skate, parkour et même hip-hop − avec des ateliers, des démos, des sessions meet&greet avec les pros… Une manière d’encourager les jeunes potentiellement intéressés par ces sports à passer à l’action, dans un cadre officiel, soutenu par les pouvoirs publics et non privé et − de ce fait − plus accessible. L’accessibilité est aussi la valeur cardinale d’une autre évolution que nous souhaitons à moyen terme, à savoir la mise en place d’une infrastructure d’accueil et d’entraînement pour les amateurs de ces sports. Les structures qui existent actuellement peuvent effrayer, à mon avis, les pratiquants les moins expérimentés… Il y a une grande liberté dans la pratique des sports urbains, moins de carcans que dans les sports plus traditionnels et cela plaît aux jeunes.
Viki, le choix des Rotondes comme lieu pour ce championnat était naturel ? L’ancrage local est-il un facteur important pour la suite de vos aventures ?
Effectivement, les Rotondes sont un endroit que l’on connaît bien et qui a un historique très proche avec la scène et les sports urbains, mais aussi avec le cyclisme. J’ai commencé à échanger avec Yves Conrardy, qui est en charge des projets sociaux au sein du centre culturel, il y a des années, lorsque j’ai commencé à réfléchir à tout cela, et j’ai toujours trouvé en lui un interlocuteur intéressé et investi. La grande salle des Rotondes était un lieu parfait pour cet événement à guichets fermés et l’ancrage local est effectivement important pour nous pour la suite. Moi qui travaille aux côtés de marques mondiales comme Redbull, Reebok ou Tenga depuis plus de vingt ans, collaborer avec des forces locales doit faire partie de ce que nous voulons mettre en place ici, au Grand-Duché, là où nous élevons notre fille…
Redbull, justement : que devient la relation d’un champion comme toi avec un sponsor qui le soutient depuis autant d’années ? Quelles sont les plus belles expériences que vous avez pu avoir ensemble ?
Il est indéniable que cette relation sponsor/sportif, au bout de 22 ans, devient très spéciale. Je « dépends » de Redbull Espagne, où les équipes tournent beaucoup, mais je connais tout le monde ou presque au siège autrichien de la marque, avec des collaborateurs que je fréquente depuis le début. Une des choses que je préfère, c’est l’appréciation que la marque a pour mon expérience et sa volonté de faire progresser les sports qu’elle sponsorise − j’ai d’ailleurs une sorte de rôle de consultant aujourd’hui. Mais elle m’a aussi aidé à rester au top, littéralement, puisque j’avais une obligation de rester dans le top 3 mondial dans mon contrat pour avoir droit au full sponsorship !
Cela m’a poussé à toujours donner plus, à rester au top de ce que je pouvais proposer. Bien sûr, j’ai aussi eu l’occasion de voyager à travers le monde dans des endroits incroyables grâce à ce partenariat avec Redbull, faire des rencontres mémorables. J’ai pratiqué le BMX Freestyle dans plus de 70 pays, dans des paysages magnifiques, sur des scènes uniques et c’est tout ce que je peux souhaiter sincèrement à la nouvelle génération de sportifs.
« JE PENSE QUE LE BMX FREESTYLE EST UN DES PLUS BEAUX SPORTS POSSIBLES. TRANSMETTRE SES VALEURS AUX JEUNES GÉNÉRATIONS EST LA MEILLEURE CONTRIBUTION QUE JE PUISSE LUI APPORTER »
Cette transmission vertueuse, c’est ce que tu souhaites à la scène BMX, mais aussi à toi-même ?
Absolument, c’est l’évolution de mon amour pour mon sport et mon futur job ! Je pense que le BMX Freestyle est un des plus beaux sports possibles. C’est la meilleure contribution que je puisse lui apporter dorénavant, en offrant une plateforme sérieuse et adéquate aux nouvelles générations. Je suis d’autant plus sensible à cette vision quand je vois ma fille escalader un petit mur à fond au BlocX à Esch, où nous aimons beaucoup l’emmener. C’est un très chouette endroit, avec des structures parfaites pour les amateurs ! Il est donc temps de mettre à profit l’expérience acquise ces 25 dernières années et de la combiner à cette envie de transmettre pour réaliser ce que nous souhaitons, promouvoir ces jolis sports freestyle, les communautés et les vertus qui y sont attachées − et faire de Luxembourg Urban Xperience la meilleure initiative possible en ce sens…
Merci Alexandra, merci Viki !
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