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Vivre en pleine science-fiction avec Renaud Jesionek

Par Lou Horvat / Photo : Romain Gamba


YouTubeur, chroniqueur, conférencier, acteur, scénariste, réalisateur, concepteur de jeu vidéo, ou encore prof’ à ses heures perdues – héritage oblige, Renaud Jesionek est désormais auteur, adoubé par les éditions Hoëbeke, branche des publications culturelles et artistiques du groupe Gallimard. Son livre « Planètes : Voyage dans les mondes de la science-fiction » sort en cette fin d’année et promet 168 pages de voyages à travers les mondes imaginaires que les auteurs et autrices de la science-fiction ont façonnés depuis l’aurore du genre.

La SF dans les veines

Alors que « Nexus VI », l’émission aux 250 000 abonnés qui l’aura révélé, fêtera ses dix années de YouTube Game le 6 décembre, Renaud Jesionek souffle lui une nouvelle naissance en tant qu’écrivain. Lui qui, depuis les bancs du CE1, écrit des nouvelles de science-fiction, sans savoir d’où lui vient cette dévorante passion, « je n’ai même pas un premier souvenir, la science-fiction a toujours été là », se retrouve face à nous, fier, droit, et heureux d’enfin poser son nom sur la couverture glacée d’un « beau livre », comme il aime à décrire ce nouveau projet. Plonger dans la science-fiction était pour lui une évidence, lui qui considère le genre comme le plus important qu’il soit, « la science-fiction est un genre politique, elle réfléchit le monde et ses problématiques, et propose parfois des solutions en essayant d’extrapoler les problématiques. Aucun genre n’a son pareil pour tenter d’améliorer l’humain ». C’était donc logique pour lui d’écrire sur cela, lui qui, dans la science-fiction, trouve toutes ses passions logées, « ce qui m’intéresse dans la SF c’est la démarche émotionnelle autant que le processus intellectuel ».

Profil multicarte symbole d’une génération qui n’a pu se construire que par elle-même avec les outils numériques d’une nouvelle ère, Jesionek n’a eu de cesse durant son parcours décennal en tant que vidéaste de la « nouvelle télévision » – entendez Internet – d’être dans « le faire », bien qu’on lui connaisse l’affection du taillage de bavette. Séducteur sans arrogance, créatif sans exagération, brillant sans en démordre, du « dire » il dresse un grand panel de projets créés et en création. « Cette volonté créatrice a toujours été là. Quand j’étais petit, j’avais des absences, j’étais sur Mars en train d’explorer des civilisations disparues. Et ça m’arrive encore régulièrement ». Alors, il cocrée « Nexus VI » il y a dix ans, sous production Fensch Toast, porté par ses amis d’enfance Alexandre Marinelli et Cyril Chagot, l’occasion pour lui de réaliser un rêve de gosse lui qui plus jeune n’aurait jamais cru vivre d’un métier artistique, « l’élément fondateur c’est l’incertitude professionnelle. Je sortais d’école de commerce, je voulais trouver un boulot avec du sens, mais rien ne s’ouvrait à moi. C’est là où j’ai proposé de créer Nexus VI, baptisé en référence à Blade Runner, le plus grand film de tous les temps. Les débuts ont été difficiles et un jour, la chaîne a gagné en popularité pour qu’aujourd’hui elle me fasse vivre ».

Corps de métier et corps de vie, Jesionek bouffe Nexus VI, vit Nexus VI, il est Nexus VI, symboliquement « Cap’tain », du vaisseau éponyme s’adressant à son public en les invectivant de « citoyens ». Alors, entre la tenue de cette chaine YouTube florissante, la conception d’un jeu vidéo et la sortie d’un moyen métrage en mars prochain, autour du même univers, le créatif – autorisons-nous le terme – se dit conquit, « quand j’étais petit, je voulais être comme Han Solo, capitaine d’un vaisseau de l’espace… Symboliquement j’ai réussi, je suis tel le pirate de l’espace que je voulais être enfant ». Ainsi, Renaud Jesionek écrit ses propres fantasmes dans ses émissions. Et de la chronique, il en est venu au scénario, pour formaliser une écriture sur le fil, spontanée et évidente, « les 5 premières années je suis resté sur mes acquis, j’avais 28 ans d’opinions sur la SF… C’était donc vraiment une écriture naturelle. La plupart de mes vidéos sont des premiers jets. Je regarde une oeuvre, je l’intellectualise, la problématise, la confronte et je me mets à écrire. Ça commence à 22 heures et ça finit à 4 heures du matin pour que 20 pages naissent ».

DES PLANÈTES PLEIN LA TÊTE

De façon générale, les récits de Renaud Jesionek, quel que soit leur ancrage, sont assez libres, sans réelle contrainte journalistique. L’auteur s’approprie un sujet inhérent à la science-fiction, le fait sien et s’y invite pleinement, « le fil rouge qui se dégage sur mes différentes analyses, c’est mon interrogation sur notre rapport à l’art. En ce moment, peu de choses m’attirent, je reste persuadé que c’est parce que le système est devenu pourri, mais je ne peux pas être dans un absolu vis-à-vis de ça ».

C’est cette relation avec ces nouvelles productions filmiques et ce nouveau système qui l’intéresse et l’inquiète. Et toujours, ces préoccupations habitent ses projets, comme là encore, dans son livre Planètes : Voyage dans les mondes de la science-fiction dans lequel il explore les planètes emblématiques de l’univers de la science-fiction au sens large. Un livre qui s’inscrit éminemment dans la continuité du travail qu’il a amorcé depuis dix ans, mêlant passion, humour et expertise. Tout commence par un mail de Marie Baumann, directrice éditoriale des éditions Hoëbeke. Le YouTubeur connait la maison pour avoir vu deux de ses proches amis vidéastes être publiés par l’éditrice en question. Jesionek suppose premièrement une logique commerciale tout en gardant un profond respect pour la maison d’édition qu’il estime signataire de très beaux livres, « je suis dans l’écriture d’un roman depuis longtemps et j’ai toujours eu cette envie d’être rapproché par un éditeur sérieux. En tant qu’auteur, j’ai ce rêve d’exister par le roman. J’avais peur au départ de faire un livre pour faire un livre, comme font beaucoup d’autres YouTubeurs, sans démarche intellectuelle ou créative ».

Jesionek ne fait pas les choses uniquement pour des raisons pécuniaires. Il avait déjà par le passé refusé d’autres maisons d’édition et donc quand Baumann le contacte, il est dubitatif, mais reste curieux, « Hoëbeke avait un projet, une idée, une volonté et un discours sur la création qui m’ont beaucoup plu. Je vais évidemment en parler sur mes réseaux, mais il n’est pas question de jouer la carte Nexus VI dans le cadre des librairies, c’est ce qui m’a mis en confiance ». À l’origine l’idée est de faire un Atlas de la science-fiction et cela tombe extrêmement juste dans la mesure où Jesionek adore les cartes, « dans l’idéal, on aurait fait un atlas un peu style 19e sur les planètes et les mondes de la science-fiction, mais on n’a pas pu pour des questions de droits ». Finalement ils en viennent à une analyse des mondes de la science-fiction au sens large et donc à ce livre plus traditionnel, mais qui appelle tout de même au voyage fictionnel, « c’est une analyse des typologies de différents mondes de la SF, des thématiques qui y sont affiliées et des émotions qu’ils suscitent. C’est, en somme, le travail que je fais sur la chaîne, mais en livre. Néanmoins c’est un contenu original, car c’est une thématique que je n’ai jamais traitée sur la chaîne et heureusement parce que sinon, il n’y aurait pas eu de livre… », s’enthousiasme-t-il.

L’auteur a ainsi eu carte blanche pour construire le squelette du livre que Hoëbeke s’est réjoui de publier en alliant la textualité de l’auteur aux dessins d’illustration de Maxim Mitenkov, pour qu’in fine, outre l’aspect niche qu’il peut revêtir, ce livre s’adresse à tout le monde, « Sophie, ma correctrice qui n’est pas du tout SF, m’a envoyé un mail pour me dire que ça lui avait vraiment beaucoup plu. Je crois vraiment que les néophytes peuvent apprendre de ce livre et s’en divertir ». L’histoire est belle pour le tout jeune auteur qui ne peut pas se dire « frustré », tant écrire un livre est une magie quand on exulte dans le monde numérique. Pourtant, son Saint Graal reste le roman, la « grande » littérature, encore si sacrée qu’elle nous est souvent si lointaine à atteindre à nous auteur.e.s, « j’écris un roman depuis longtemps, mais le temps et l’assurance me manquent. Planètes m’a donné confiance en moi. Ce livre a débloqué quelque chose. Dorénavant, je sais que je peux le faire. Car je l’ai fait, j’ai écrit un livre, et j’en suis très fier ».

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