Yodelice tombe le masque avec un disque folk épuré
Finie la plume fichée dans un chapeau et la larme dessinée sous des yeux surlignés : le musicien Yodelice remise au placard son double scénique échappé d’un film de Tim Burton et montre un visage sans fard dans un album folk dépouillé.
“C’était très inspirant de créer un univers, car plus jeune j’étais timide, la scène était une souffrance et ce personnage inventé m’a décomplexé”, expose l’artiste rencontré dans son studio d’enregistrement parisien baptisé Spookland. “Mais je n’ai plus l’âge de me maquiller les yeux”, sourit le quadragénaire, qui avait mis ces dernières années ses talents de musicien-arrangeur-producteur au service de Johnny Hallyday ou la chanteuse Jain.
Son dernier album vieux de neuf ans, “Square Eyes”, livrait une pop-rock aux angles arrondis. Place désormais au folk décharné de “The Circle”, qui sort ce vendredi. Un album qui évoque un souffle de vie tentant d’échapper à une menace sourde. Yodelice a une belle image pour décrire l’ambiance du disque, parlant d'”un nuage de poussière omniprésent dans les chansons”. La pochette de “The Circle” (à traduire non pas comme “Le Cercle” mais plutôt comme un changement de cycle) présente un diamant. Rien à voir avec les diamants bien taillés des visuels des rappeurs Drake et Future pour leur projet commun “What A Time To Be Alive” (2015). Celui de Yodelice est brut, et à y regarder de près, certains de ses reliefs dessinent des ombres inquiétantes.
“A fleur de peau”
Ce climat crépusculaire se retrouve dans le clip tourné en Inde de “Keep Running”, premier single sorti en éclaireur. “Il y a ce diamant brut présent dans ce monde étrange, qui pose la question: où place-t-on le précieux ? Souvent dans une quête du paraître qui nous aveugle”, décrypte Yodelice.
“Le diamant, c’est une pierre qui symbolise le luxe, la pureté, la rareté, mais sa composition n’est pas si éloignée de celle du charbon”, ajoute l’artiste. Le thème des faux-semblants, dans l’intimité ou la marche du monde, traverse l’album chanté en anglais. A l’image du morceau “Keep Running” où on entend que “Coeurs en or se changent parfois en rouille”.
En 2001, le duo folk norvégien Kings Of Convenience avait sorti un album nommé “Quiet Is The New Loud”, qu’on pourrait traduire en extrapolant par “Le calme est la nouvelle tempête”, sentence qui collerait aussi au nouveau disque de Yodelice. Le titre “Rage” contient ainsi une belle trouvaille: un cri étouffé sur fond de guitare bourdonnante qui impressionne bien plus qu’un hurlement. “Quand on est à fleur de peau, on a envie crier mais ça ne sort pas”, acquiesce Yodelice.
Le musicien avait “très envie d’un disque plus radical”, comme un “Polaroid d’une émotion, d’une fragilité”. “Je ne sais pas trop à qui va s’adresser ce disque vu le format de la musique actuelle”, s’interroge en conclusion Yodelice. Avec ses nouveaux accents à la Nick Drake, icône folk, il est effectivement loin du rap dominant des charts.