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“Les Forêts natales”: 300 chefs d’oeuvre de la sculpture africaine exposés à Paris

Une Afrique sans Histoire, immobile: à contrepied de ce préjugé, une exposition au Musée du Quai Branly à Paris met en évidence, à travers 300 chefs d’œuvre, la richesse des migrations, des emprunts et des échanges dans la région atlantique équatoriale.

Considérées comme des oeuvres d’art universelles, les sculptures présentées dans l’exposition “Les Forêts natales” (jusqu’au 21 janvier) proviennent toutes d’une aire regroupant le Gabon, la Guinée équatoriale, le sud du Cameroun et l’ouest du Congo. Issus de migrations complexes et très anciennes de groupes bantous, les peuples installés dans cette zone se caractérisent par une grande diversité, mais “ont en commun de pratiquer les mêmes types de rituels, en particulier le culte des reliques des ancêtres”, explique Yves Le Fur, commissaire de l’exposition et directeur du patrimoine et des collections du Quai Branly – Jacques Chirac.

La région est aussi marquée par une prolifération linguistique – 60 langues rien que pour le Gabon – mais les aires ethniques, culturelles et linguistiques sont loin de coïncider. Armes, tabourets, portes… de nombreux objets témoignent de l’extraordinaire créativité de ces ethnies dont chacune ne comptait que quelques milliers de personnes au maximum (4 000 pour les Fang).

L’exposition se focalise sur deux types d’objets: les gardiens des reliquaires d’ancêtres, censés repousser ceux qui auraient des mauvaises intentions, et les masques utilisés lors des rituels de sociétés secrètes initiatiques. Pourquoi ce choix ? “Ce sont les deux manifestations artistiques les plus fortes”, fait valoir le commissaire. “Et puis je voulais faire quelque chose entre public et privé.”

Les principaux groupes culturels sont les Fang, les Kota, les Tsogo et les Punu, chacun d’entre eux se déclinant en sous-groupes à l’inspiration esthétique parfois très différente. “Les sculpteurs travaillaient pour différents lignages, il y a parfois des parentés mais aucun artiste n’a été identifié”, souligne Yves Le Fur. “L’idée majeure, c’est la mobilité”, poursuit-il, “il n’y a pas de fixité par rapport à ces ethnies.”

Variations de style

Fabriqués la plupart du temps en écorce cousue, les reliquaires contenant les crânes des ancêtres étaient surmontés d’une statue (chez les Fang) ou d’une figure (chez les Kota). A noter que ces sculptures pouvaient être des figures féminines ou masculines.
Au-delà de leur diversité, on retrouve chez les divers groupes fang les mêmes jambes courtes et fléchies, le buste et le cou allongés, et parfois l’utilisation d’une patine laquée un peu suintante.

Les figures d’ancêtres des Kota sont aussi différentes que possibles: extrêmement stylisé, le visage est en creux, donnant l’impression d’un être abstrait, et recouvert de plaques de cuivre travaillées, souvent de couleurs différentes. Les variations de style sont innombrables au point de permettre à Yves Le Fur de présenter 103 pièces dans une seule vitrine ondulante.

Les masques Punu sont parmi les oeuvres les plus célèbres de la sculpture africaine avec le visage blanc, les coiffures en hauteur, les scarifications en losanges sur le front. Ils représentent une jeune femme morte, d’où sa pâleur, ses yeux gonflés et quelque chose d’oriental qui a fait couler beaucoup d’encre.

Le titre de l’exposition est emprunté à un poème de Guillaume Apollinaire: “Les Fenêtres” (1913). “Du rouge au vert tout le jaune se meurt/Quand chantent les aras dans les forêts natales”.