Marie S’infiltre va nous mettre une déculottée
Spécialiste des planches et de la provoc – et surtout des deux à la fois – Marie Benoliel devenue S’infiltre a fait un véritable carton en février dernier à la Rockhal avec son spectacle Culot, le bien nommé. Car oui, madame est furieusement culotée, elle l’a bien assez prouvé dans ses vidéos et ses apparitions choc – simples vecteurs, outils éphémères pour celle qui a choisi la scène pour audacieuse carrière. Marie a failli devenir un col blanc issu de Sciences Po’, on a de la chance, elle a finalement décidé de tout plaquer pour nous mettre de grosses déculottées. Dont une nouvelle le 18 septembre prochain au Luxembourg. Joie. L’occasion d’une chouette discussion et d’une cover canon…
Salut Marie, comment ça va ? Merci de prendre le temps de faire notre couverture !
Ça va très bien merci, d’autant plus que c’est ma première couverture, je crois bien ! Il va falloir célébrer ça…
Mais ça, c’est une excellente nouvelle ! Ne t’inquiète pas, on fêtera ça comme il se doit en septembre prochain… Mais d’ici là, est-ce que tu peux nous parler un peu de toi ?
Bien sûr. Je suis originaire de Paris, où j’ai grandi en suivant un cursus scolaire très sérieux, très classique, très français en fait. Des écoles prestigieuses, des concours, une prépa Hypokhâgne – Khâgne et puis Sciences Po’… J’aimais beaucoup ça, à l’époque, je tirais une grande fierté de cette réussite scolaire, qui me garantissait alors beaucoup de sens dans la vie. On me reconnaissait, on m’écoutait et on m’admirait beaucoup pour ça, et jusqu’à mes 26 ans c’était au centre de ma vie. Et puis un jour j’ai pris un cours de théâtre presque par hasard et cela a complètement renversé le jeu… Pourtant je n’avais jamais, ô grand jamais, envisagé de faire du théâtre à l’époque ! J’avais même un regard assez dur sur ces acteurs, dont je n’imaginais pas qu’ils puissent faire quelque chose d’important. Ce ne pouvaient être que des personnes narcissiques et superficielles, qui ne cherchent qu’un moment de gloire… Mais comme on le sait toutes et tous à présent, ce point de vue a bien changé ! Cela fait donc relativement peu de temps que j’ai décidé d’abandonner ce chemin tout tracé pour suivre une carrière que je n’aurais jamais imaginé suivre il y a encore quelques années, c’est-à-dire la carrière artistique.
Dans ce cursus très « vieille France », tu faisais déjà preuve de culot ?
Oui, absolument. Déjà j’avais la conviction de me battre pour des idées, d’œuvrer pour quelque chose de plus important que mon égo. Mais j’ai toujours été couillue, j’ai toujours ouvert ma gueule, sauf que la cadre primait sur ce tempérament. Un tempérament qui colorait tout de même mes actions et mes décisions, mais qui pouvait aussi venir saboter ce que je construisais, notamment en ce qui concernait la discipline…
Comment ce fameux cours de théâtre va-t-il avoir tant d’impact ?
En fait, j’ai découvert à ma propre surprise que je faisais soudainement quelque chose que j’adorais. Ça a vraiment été une révolution dans ma vie à ce moment-là. Ce qui n’empêche pas le fait que j’aimais aussi énormément ce que je faisais alors. Mais ça m’a réconcilié avec qui j’étais et c’est là que j’ai décidé de tout plaquer – je le raconte d’ailleurs dans mon spectacle – en prenant la décision d’un acte de culot absolu. J’ai compris que ce que j’avais en moi, que cette révolte, ce besoin de bousculer les gens autant que moi-même pouvait et devait aussi faire partie de ma construction en tant que personne. J’avais besoin d’être effrontée, d’être culottée pour être complètement moi-même et le théâtre m’a permis cela, car c’est un instant de liberté totale.
Viennent ensuite le Cours Florent et les premières vidéos qui vont te faire connaitre…
Le Cours Florent a vraiment mis en évidence ma passion pour la scène et pour le théâtre et donc je me suis vite demandé quels moyens allaient me permettre de me faire connaitre sur scène… J’ai commencé à faire des castings et j’ai aussi vite compris que c’était un métier très difficile. Mais j’ai aussi compris qu’à partir du moment où je plantais tout pour être moi-même, il fallait que j’aille au bout du principe, que je ne sois pas une « comédienne parmi les autres » et surtout qu’on arrête de décider pour moi. C’est ce que m’a permis l’outil que sont les vidéos, qui ont vite très bien marché : je les réalisais en même temps que l’écriture de mon premier spectacle, et elles ont joué leur rôle en amenant du monde lorsque j’ai commencé à le jouer !
Un premier spectacle qui a changé de nom en cours de route… Est-ce que S’infiltre, de la même façon et au-delà de l’action, est devenu un nouveau patronyme ?
Écoute, je dois te dire que je ne sais pas vraiment, c’est très étrange (rire) ! C’est devenu une évidence maintenant, on m’appelle effectivement Marie S’infiltre, pas comme un patronyme entier, mais plus comme un pseudonyme : si j’entends Marie S’infiltre dans la rue je me retourne, mais je me reconnais encore tout à fait quand on m’appelle Marie Benoliel ! Même si parfait ça peut presque me choquer, comme si j’avais fait quelque chose de mal !
Tu as des racines juives et tunisiennes ; comment cette bifurcation extrême en matière de carrière et cet aspect très provocateur ont-ils été perçus dans ton entourage ?
Ce qui a été le plus compliqué, ce sont ces quelques années pendant lesquelles j’ai installé mon travail, parce qu’il y a aussi une déception qui s’est installée, pour moi et mon entourage. J’étais dans une situation tout ce qu’il y a de plus élitiste et j’ai pris la décision de tout reprendre à zéro, de manière assez désordonnée, dans une activité tout sauf élitiste et qui aurait pu me conduire à rien. Il y a eu un sentiment de déclassement et un besoin de justification permanente qui en a découlé, c’était pas facile.
Aujourd’hui, est-ce que le tempérament et l’intensité de Marie S’infiltre sont aussi les tiens lorsque tu descends de scène ? Tu as trouvé un équilibre ?
Je te dirais que mon intensité est une intensité d’équilibre : je vais preuve à la fois de beaucoup de courage, mais aussi de beaucoup de sensibilité ; je vais être très subversive et en même temps très fragile et vulnérable. C’est comme ça que je mène ma vie : oui, il va y avoir une grande intensité dans ma vie personnelle comme dans ma vie professionnelle – qui sont évidemment très proches puis que ma vie professionnelle est mon être – mais je fais tout pour n’être ni dans quelque chose de dur ou de froid ni dans la destruction. D’où la notion d’équilibre assez général…
Parmi ce que tu as fait hors scène – vidéos, coups d’éclat, chanson – y a-t-il une chose qui te procure une émotion ou une fierté toute particulière ?
Comme je te l’ai dit, les vidéos ont surtout été des outils, tout comme mes instants viraux – aux Césars par exemple. Je m’en souviens en riant, parce que je m’éclate tellement dans tout ce que je fais, mais pas spécialement avec une grande émotion. Ce sont des moments d’instantanéité, pas une fin en soi… Par contre, les chansons et les clips que j’ai réalisés avec Maxime Allouche me provoquent beaucoup de tendresse !
Revenons-en à la scène et à ton spectacle Culot, que tu as joué à la Rockhal en février : avant tout, comment as-tu trouvé le public luxembourgeois ?
Alors – on pourrait dire paradoxalement – j’ai un petit penchant pour les publics un peu… froids (rire) ! C’est vrai ! J’ai quand même l’ambition de délivrer un certain message et de proposer un spectacle qui doit parler, qui doit résonner. Je ne fais pas un spectacle pour flatter le public ou pour plaire ! Ça me demande d’être dans une précision extrême pour ce faire. Quand un public est trop bouillant, l’ambiance peut vite empiéter sur la démarche et le sens, alors qu’un public qui est plus sur la réserve ou sur la pudeur va me demander des efforts et être plus à l’écoute, ce qui me permet d’aller les chercher et de faire que mon spectacle va devenir une flèche… Et c’est ce que j’ai beaucoup apprécié au Luxembourg. Je me le suis même noté dans un carnet : « proximité intense avec le public », « possibilité d’échanger », « quel bonheur d’avoir joué ici » …
D’excellent augure pour ton prochain passage, le 18 septembre prochain, de nouveau à la Rockhal ! Que peux-tu promettre à celles et ceux qui voudraient venir te voir ou revoir ?
Culot est un spectacle spécial, car il va à la fois faire l’objet d’une thérapie en accéléré, qui offre une sorte de libération de tout, et d’un divertissement très puissant je dirais. Moi, je m’y donne totalement et le plus surprenant pour moi a été qu’on en ressort changés. Les personnes viennent et reviennent – je me demande même quand je vais pouvoir l’arrêter ! C’est assez incroyable l’impact qu’il peut avoir sur certains spectateurs : je reçois des quantités de messages qui me disent que ça les a beaucoup touchés, ou bien même – quelques semaines après telle ou telle représentation, des gens qui me disent qu’ils ont démissionné, changé de boulot, enfin osé faire des choses ou fait des choix importants…
Ça t’effraie d’avoir un tel impact sur la vie de certaines personnes ?
Cela va plus loin que ce que j’avais prévu et cela m’échappe presque parfais, mais je ne dirais pas que ça me fait peur. Il faut faire attention, clairement, parce qu’il n’y a pas de service après-vente, mais c’est clairement un spectacle qui invite à une liberté totale.
Des projets pour l’après-Culot ?
Oui, je travaille énormément en ce moment, j’ai un projet de docu-fiction sur mes origines dont on parlait tout à l’heure, et un autre sur une amie très chère, Laetitia, qui nous a malheureusement quittés, mais qui m’accompagne tous les soirs sur scène. Beaucoup, beaucoup de boulot – et je me rends compte d’ailleurs que je vais devoir te quitter…
Je comprends tout à fait ! Tu nous promets en tout cas que tu vas bien nous montrer, une fois de plus, ton culot d’enfer ?
Tu peux compter là-dessus !
Merci Marie !
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