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Frédéric Beigbeder : « Je reste une loque humaine et fier de l’être !»

Texte : Sarah Braun
Photo : Julian Benini

Dans son dernier roman, Une vie sans fin, Frédéric Beigbeder fait le tour du monde des techniques qui nous rapprocheraient de l’immortalité. Un roman d’amour audacieux entre obsessions et espoir. Afin de connaître le secret de la vie éternelle, nous sommes allés à sa rencontre. 

Vous ouvrez le bal par une citation de Mark Twain : « La réalité dépasse la fiction, car la fiction doit contenir la vraisemblance, mais non pas de la réalité ». Quelle est la part de fiction dans ce roman ?

J’ai écrit de nombreux romans autobiographiques où tout était vrai, sauf mon nom. Cette fois-ci, j’ai voulu faire l’exact contraire. La fiction se trouve dans l’autobiographie. Si le héros s’appelle Frédéric Beigbeder – ce qui se trouve être mon nom, c’est vrai – ses aventures ne sont pas les miennes. J’aurais adoré, mais je n’ai jamais animé d’émission où les invités étaient drogués ! J’aime le décalage entre mon personnage et les gros mensonges que je raconte ensuite. L’idée de coincer le lecteur en quelque sorte : il sent bien que tout ce qui touche à la science est vrai, mais d’un autre côté, il n’arrête pas de se demander « mais il joue avec moi, là, ou quoi ? »

Le style Beigbeder, c’est un mélange de mots ultra crus et d’un style tout en élégance. Ça vous amuse ?

Terriblement. C’est ma façon de rester moi-même. Glisser un « nichon » ou un « ta chatte » dans une diatribe scientifique me faisait rire. Et, surtout, cela me permettait d’éviter de perdre le lecteur dans les méandres de ce développement plutôt ardu sur la médecine prédictive. Je crois qu’un auteur reste toujours le même, peut importe la matière de son livre. Cette parenthèse scientifique ne m’empêchera pas d’écrire un énième roman sur les boîtes de nuit, les putes russes et la coke.

Que pense votre femme de cette citation page p. 113 : « Trop d’intelligence chez une femme m’a toujours effrayé depuis ma mère ».
Il faut la placer dans le contexte du roman : le personnage y tombe amoureux d’une biologiste. Certes ma (vraie) femme est Suisse, mais elle est photographe est non-biologiste. Dans Une Vie sans fin, ils se disputent beaucoup sur l’obsession de l’immortalité du narrateur qui va jusqu’à la folie. Elle ne cesse de se moquer de lui, de lui répéter qu’il est complètement dingue, ce qui provoque des engueulades monstrueuses. C’est dans ces circonstances qu’il prononce cette phrase. C’est également un hommage à ma mère, qui est une grande lectrice.

Et qu’en pense votre mère ?

Je pense sincèrement que mes parents me prennent pour un dingo (rires). Dans ce livre, j’évoque leurs problèmes de santé. Je leur avais donc fait lire avant publication, pour m’assurer que rien ne les gênait. Derrière l’évocation de leurs propres problèmes de santé se cache bien évidemment ma propre peur de la mort. Je sens qu’elle rôde autour des mes proches, des amis de mon âge ont disparu. C’est aussi ce qui m’a poussé dans l’écriture de ce livre. La réalité est celle d’un type qui prend un crayon et une feuille de papier pour tenter de les rendre éternelles, de les fixer à tout jamais. Je ne dis pas que je me pense capable de passer à la postérité, mais je crois qu’on écrit pour capter les instants fugaces et essayer de les rendre immuables.

Vous êtes parti vivre dans le Pays Basque. Le Frédéric Beigbeider qui sort fraîchement du Montana : un mythe à présent révolu ?

Non mais vous plaisantez ? C’est un pays de fêtard, là bas ! Je le confesse, malheureusement, je continue de vouer une adoration sans bornes au vin, au gin-tonic et à la tequila. J’essaye de freiner un peu sur le reste. Mais loin de moi l’idée de virer « repenti de la nuit ». Vous savez les pires déchets qui se sont convertis au yoga et au quinoa et qui vous donnent des leçons (sourire). Ne vous inquiétez pas, je reste une loque humaine. Et fier de l’être (rires) ! Parce que je parle d’amour, de paternité, on voudrait que je sois devenu un saint. Mais pas du tout, je suis pétri de contradictions et de tentations et je reste extrêmement vulnérable à tous les dangers et les plaisirs de la nuit.


Retrouvez l’intégralité de l’interview dans le Bold #51 dispo actuellement.