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Them Lights, musique narrative

Texte : Godefroy Gordet
Photo : Julian Benini

Plus connu pour officier à la batterie pour l’excellent groupe Mutiny on the Bounty, pour lequel on ne tarira pas d’éloges, Sasha Hanlet a un long passif dans la musique. Après 17 ans à courir avec MOTB, et plus de 700 concerts en Europe, aux Amériques et en Asie, le musicien lance son projet solo Them Lights en 2017, pour balancer Got No sur la toile en 2018, un premier titre très convaincant. Sans délaisser les types de MOTB, avec lesquels il prépare un 4e album, le luxembourgeois s’épanouit maintenant pleinement en tant que musicien, chanteur et producteur, pour ne plus dire de lui qu’il n’est « que » batteur…

Avant la musique Sasha Hanlet commence par organiser des concerts avec des amis, déjà tous musiciens, et qui deviendront plus tard le collectif Schalltot, ceux-là mêmes qui tiennent, le Out Of The Crowd Festival, entre autres. « J’ai toujours eu une grande passion pour la musique mais je n’ai jamais appris à jouer un instrument. Enfin pas sur la voie officielle que sont le conservatoire ou les écoles de musique ». Entouré de musiciens et groupes, il décide finalement de se mettre à la guitare, en bon autodidacte. Il a alors 18 ans. « Je me suis mis à faire quelques jams avec des amis et j’ai monté mes premiers petits projets à 19 ans ». Il se tourne ensuite vers la batterie y trouvant un autre feeling, « à chaque pause je profitais pour me mettre derrière la batterie et taper. J’ai vite remarqué que j’étais profondément beaucoup plus batteur que guitariste ».

De MOTB à Them Litghts

De la scène Math-Rock et instrumentale sur laquelle s’installe Mutiny on the Bounty, il construit en parallèle Them Lights, un projet solo assez différent stylistiquement, pour donner à entendre une électro-pop sombre et futuriste. Un tout autre virage dans le parcours du musicien, qui explique une évidence à monter un projet solo, « secrètement j’ai toujours su que je voulais chanter et nourrir ma passion pour le r’n’b, le hip-hop, l’électro et la pop ». Ce qui l’a retenu si longtemps, c’est principalement le savoir-faire du côté de l’écriture et de la prod’. Étant autodidacte face à des instruments qu’il maitrise « plus ou moins », il ne connait pas cette « éducation scolaire » en théorie musicale et en production, « on écrit nos morceaux en groupe, en salle de répète, chacun tient son instrument, et là il fallait apprendre comment écrire, produire et arranger tous les instruments et sons ».

Dans les influences qui ont porté ce projet, il cite volontiers Michael Jackson, et pourtant son projet s’associerait plus à un mixe entre une r’n’b romantique à la The Weeknd et une pop rythmique à la Justin Timberlake… Mais, comme souvent chez les artistes de la scène musicale, il ne sait pas lui-même où se situer, « comme notre ami Edsun l’a bien dit “you are not just one thing“. Stylistiquement parlant, je pense que je suis encore en recherche et en expérimentation, mais entre-temps, j’ai trouvé plus ou moins mes couleurs. Je me laisse la liberté de pouvoir explorer au maximum ». Aussi, si l’on entend les retours des auditeurs, il explique se trouver entre « une électro un peu dark à la Sohn, Moderat, Jai Paul et un côté pop lié au chant à la The Weeknd, Majid Jordan ou Justin Timberlake ». Et c’est le feedback qu’on donnerait également.

S’il monte Them Light en 2017, c’est véritablement fin juin 2018, avec le titre Got No que son projet commence à se mouvoir au grand large. Derrière, il performe au Siren’s Call et la presse s’emballe. Une soudaine notoriété pour son projet que Hanlet décrit comme « bizarre », de par son ancrage dans un groupe aux tendances rock, « je pense que c’était un choc pour certains de voir et entendre la direction que j’avais prise avec Them Lights. Par contre, les gens qui me connaissent bien savaient que c’était juste une question de temps ».

Aujourd’hui, s’il qualifie cette expérience d’incroyablement satisfaisante autant qu’effrayant, il explique aussi s’y permettre d’explorer des sonorités sans retenue, et peut – enfin – s’exprimer vocalement, « être “front man“ sur scène est quelque chose que je respecte énormément aujourd’hui. C’est un peu le côté masochiste des artistes de confronter ses peurs et passions en même temps ».

https://www.youtube.com/watch?v=iZrAIzoNXeM

Récit musical rétro-futuriste

Dans son titre Mysterious Lights, sorti en avril 2019, on entend cette fibre groove – celle de Jackson – en filigrane dans sa musique. Dans le fond, les paroles invitent à une sorte de mystère. Et comme dans Got No, dans Mysterious Lights on entend le malaise, la solitude, l’errance, l’inconnu et une forme de quête amoureuse. Une musique qui raconte, « un peu tout ce qui se passe en moi en permanence. Les extrêmes, les contradictions, la certitude et l’incertitude, la confiance en soi et la défiance. Être à la recherche de soi-même, trouver quelques fragments en cours de route, en sachant profondément qu’on ne va jamais vraiment se trouver ».

Son titre Crimson Walls place notre premier degré d’écoute dans l’univers très 80-90’s à la Stranger Things, pour flirter ensuite vers une pop éthérée et langoureuse, sous sa voix douce à l’héritage pop-song. En mêlant les genres, périodes, et expérimentations musicales, il tend notre oreille vers un style rétro-futuriste, pourtant, Hanlet écrit sans direction de style, du moins pas consciemment, « ça se passe toujours naturellement. On me fait souvent la comparaison avec Stranger Things sur ce titre. En fait, j’ai simplement grandi dans la même époque et j’ai toujours adoré les sonorités des années 80’s. Surtout en ce qui concerne les synthés, et le feeling propre à la culture pop de cette époque ».

Et puis par ce titre il confirme le côté très narratif de sa musique, en mettant en poésie une histoire de science-fiction, « métaphore d’une quête intérieure ». Une nécessité, et une affection, pour le récit fictionnel musical qui lui vient d’une fascination pour tout ce qui touche à la science-fiction, mais aussi des mystères de l’histoire ancienne. « Après, j’ai encore du mal à parler de thèmes personnels et profonds. Je préfère en ce moment raconter en métaphores et inventer des personnages et environnements fictifs. Je travaille là-dessus ».

https://www.youtube.com/watch?v=gfCNJbc8YbM

Compositeur « ET » producteur

Tout récemment, il sort l’excellente cover de Feeling Good en featuring avec Faruk, chanteur à voix de crooneur. Une rencontre musicale étonnante à l’initiative de Faruk. Ce dernier souhaitant que Hanlet produise quelques morceaux pour lui, « j’ai tout de suite adoré sa voix, mais aussi le personnage, et on a commencé à faire quelques super morceaux. Entre-temps on est devenus amis et on quelques gros projets en vue pour les prochaines années ». Une bombe que nous lance là Hanlet, au vu de la qualité de ce premier titre sur lequel ils collaborent.

Après Nina Simone, Muse, Michael Bublé, George Michael, Lauryn Hill, Alicia Keys, Nicolas Jaar, et tant d’autres… Ils reprennent ce monstre sacré qu’est Feeling Good, pour livrer une version tout simplement magnifique, « personnellement, je n’étais ni vraiment fan du morceau, ni la version de Michael Bublé, mais connaissant la version de Nina Simone et la vibe du morceau, je me suis dit que le challenge serait cool. J’ai fait ma version en posant une verse et un refrain pour lui donner une idée de comment il pourrait adapter le chant et s’éloigner des autres versions ».

Composé à l’origine par le parolier Anthony Newley et la compositrice Leslie Bricusse, pour la comédie musicale The Roar of the Greasepaint – The Smell of the Crowd, ce choix de cover nous fait revenir à cette dimension poético-romanesque dans le projet Them Lights. Du lyrisme de la version originale à la version house de Nicolas Jaar, c’est la version magnifiquement jazzy de Nina Simone qui inspire leur réinterprétation, sombre et élégante, « le côté poétique et le fait qu’elle ait introduis le côté big band et des instruments brasses me plait énormément. Faruk, lui, avait en tête la version de Michael Bublé. J’ai donc essayé d’incorporer les deux mondes et d’y mettre une grosse couche de nos deux univers musicaux ».

https://www.youtube.com/watch?v=vF61dBg5vQE

En live

Après le Siren’s Call, mentionné plus haut, Sasha Hanlet n’a pas pu beaucoup se frotter au public ces deux dernières années, et la période actuelle n’arrange rien. Pourtant, les premiers concerts de Them Lights ce sont fait en grande pompe, autour d’une formation avec les excellents Claire Parsons et Jérôme Klein, aux synthés et backing vocals, « c’était une énorme expérience de pouvoir faire mes premiers pas avec non seulement deux des meilleurs musiciens au Luxembourg, mais aussi des pures crèmes humaines ».

Pourtant, il n’est pas encore totalement à l’aise sur scène, et cherche encore son identité scénique, même s’il s’en approche, « pour l’instant, j’ai décidé de tout faire en solo et expérimenter au maximum ». Partie intégrante de son travail scénique, l’univers visuel, avec les lumières et l’imagerie qui s’en dégagent, sont des éléments qui lui tiennent très à cœur, et pour lesquels il investit beaucoup de temps et d’énergie, « je souhaite qu’un concert Them Lights soit une expérience au-delà de la prestation musicale, un petit voyage musical et visuel, où l’on peut se lâcher complétement et se laisser aller ».

Alors, encore en construction, pour la suite de ses expérimentations, son projet trouve un soutien exceptionnel auprès de la Kulturfabrik, un lieu fort de symbole pour lui, « j’y ai joué mes premiers concerts, répété pendant des années et organisé des concerts. Il y aura pas mal de choses qui vont changer et on est prêt à franchir les prochaines étapes. Beaucoup de belles choses sont à venir ».