Balthazar, rois mages de la pop et prophètes
“On a découvert qu’on avait un album prophétique”, confie Jinte Deprez, leader de Balthazar, dont le disque, écrit avant la crise sanitaire, parle du temps mis sur pause, dans un bel écrin pop et électro.
Sorti vendredi, l’album des Belges se nomme “Sand” (“Sable”) car il se rapporte au contenu du sablier. Et la pochette représente une étrange créature, résignée et triste, dans une salle d’attente.
“Cette couverture avait été choisie avant l’arrivée du Covid-19, mais elle est pourtant la parfaite image pour illustrer ce que nous vivons tous”, commente Jinte Deprez, une des deux têtes pensantes du groupe avec Maarten Devoldere.
Dans la chanson “Hourglass” (“Sablier”) on entend aussi “le temps avance lentement”. “Oui, une fois qu’on avait fini, on a découvert qu’on avait un album prophétique par rapport à nos vies pendant la crise sanitaire. Et dire que notre précédent album s’appelait Fever (Fièvre)…”
“Sand” est le cinquième opus de Balthazar, formation qui s’est vite imposée dans le circuit indépendant et fut adoubée par un autre groupe belge à l’aura internationale, dEUS. Le leader de ces derniers, Tom Barman, déclarait ainsi dans The Guardian en 2012: “Balthazar, ils sont très bons sur scène, ils ont un grand chanteur, de bonnes chansons, des mélodies limpides”.
Le Covid, “sixième musicien”
Bien vu: Si les textes de Balthazar infusent dans le spleen, le groupe pousse toujours à danser sur son tapis de pop mâtinée d’électro, avec des coutures funk ou soul. L’architecture sonore de “Sand” (chez Pias) a été cette fois en grande partie induite par les conséquences de la pandémie.
“On a écrit l’album quand on était sur la tournée du précédent, on redécouvrait ce que c’était qu’être un groupe ensemble (Jinte a aussi un projet solo, J.Bernardt, tout comme Maarten avec Warhaus) et on voulait l’enregistrer en studio dans les conditions du live”, raconte le guitariste.
Mais le confinement est arrivé. “On a dû tout changer pour finir l’album, on ne pouvait plus être en studio ensemble, alors on a injecté plus d’électronique, avec des samples, poursuit Jinte. C’est comme si le Covid-19 était devenu le sixième musicien, ou le producteur !”.
“Mais ça a du bon, ça a conduit à une forme différente pour certaines chansons, et j’aime quand des éléments extérieurs influencent un album, nous font sortir du contrôle total. On a été vers une production minimaliste qui a du bon”, développe le néerlandophone, qui s’exprime en anglais en interview.
Ambiance Tarantino
Et sur le fond, pourquoi le temps devient-il récurrent chez les deux jeunes trentenaires à la tête du quintet ? “Tous nos albums sont biographiques. Il y en a toujours un des deux, Maarten ou moi, en pleine rupture au moment d’écrire l’album (rires), mais c’est vrai que c’est la première fois que le temps revient aussi souvent. Peut-être qu’avec l’âge on ne veut plus attendre”, analyse Jinte.
Les clips de “You won’t come around” et “On a roll” jouent d’ailleurs aussi sur cette idée du temps qui passe ou ne passe pas. Le premier avec une boucle hypnotique, le second avec la même scène rejouée et de plus en plus ensanglantée. “La boucle, c’est bien quand on a des moyens réduits pour tourner en pleine crise sanitaire, et le sang qui apparaît dans le second colle à nos personnages à la Tarantino”.
“Et puis on dit bien bloody mess (+désordre sanglant+ si on traduit mot à mot, mais vraiment utilisé comme +un sacré bordel+ dans le langage courant)”, s’amuse Jinte. Encore une expression qui correspond à la période actuelle.