Coronavirus : l’autre filière musicale qui déchante
Ils sont ingénieurs du son, en charge des bus de tournées, de la restauration des artistes : toute une filière, au delà des musiciens, est à l’arrêt avec l’interruption des concerts et festivals liée au coronavirus.
Quand on arrive devant une salle de spectacle, c’est le premier signe visible de la présence des stars: un véhicule XXL garé à proximité, le fameux “tourbus” dans le jargon.
“Sur la dernière tournée d’Angèle, on avait trois bus, explique Romain Rousseau, responsable d’exploitation de la société No Limites. On fait tout type de tournée, les grosses, comme M. Pokora, ou les plus petites. Là, on a une trentaine de chauffeurs au chômage technique. Et on n’a pas pris les autres qui étaient prévus en CDD”.
L’arrêt d’activité tombe mal pour la structure qui a deux dépôts à Paris et son siège à Mortagne-sur-Sèvre en Vendée. No Limites venait en effet de “racheter un concurrent” et de commander quatre nouveaux autocars.
“On va voir avec les banques si on ne peut pas repousser les prêts pour les bus, pour passer l’été”, confie le responsable. “D’ordinaire, mars, c’est une grosse période”. Il espère une reprise “en mai”, car “si ça se prolonge au delà, ça va devenir problématique, limite vital”.
“Si la situation perdure…”
Matthieu Noé, ingénieur du son, spécialisé dans la musique électro – il a travaillé avec des artistes comme Kungs, Feder, Fisherspooner, etc – ne dit pas autre chose. “Je suis totalement impacté, je n’ai plus de travail du tout”, expose cet homme de l’ombre. L’annonce du confinement a sonné la fin des séances de mixage avec les artistes dans son studio.
Et il n’a plus de visibilité à moyen terme puisque son cœur de cible, les DJ-producteurs – ceux qui créent leurs propres morceaux – n’ont plus de ressources avec l’annulation de leurs sets en festivals ou boîtes de nuit. “Or ce sont eux souvent qui payent les séances avant remboursement par le label”, poursuit celui qui pige occasionnellement pour DJ Mag.
Cet auto-entrepreneur ne sait pas sur quelles aides gouvernementales il pourra compter – “dans ce pays il faut cocher les bonnes cases” – et “flippe à mort”. “Si la situation perdure au delà deux mois, je n’aurais plus rien”. Son activité avait déjà durement souffert des grèves de fin d’année, avec “deux séances en studio en seulement un mois et demi”.
“On est danger, on va vite être dans le rouge”, renchérit Franck Ansaldi, président de Egg Cetera, société de catering, les métiers de bouche qui assurent la restauration pour les musiciens et leur staff technique en concerts.
“Précarité de ces métiers”
Des têtes d’affiches comme Jean-Jacques Goldman dans le passé ou Madonna récemment à Paris ont fait appel à cette SAS (Société par actions simplifiée). L’entreprise a un dépôt et un laboratoire – lieu pour préparer des plats cuisinés – à Gennevilliers en région parisienne et possède son siège à Fontaine, dans la banlieue de Grenoble. En fonction des missions, elle tourne avec des volants de 3 à 7 personnes, pour un concert par exemple, jusqu’à 25 pour un gros festival.
“Les personnes qui travaillent avec nous n’ont plus le statut d’intermittents depuis longtemps et quatre collaborateurs historiques chez nous sont dans une situation économique dramatique”, expose M. Ansaldi. “Ils n’ont pas assez de dates pour accéder à leurs droits en tant qu’intérimaires et constituer un dossier”. “On se rend compte de la précarité de ces métiers: c’est dur déjà en temps normal et tout contre-temps se paie cash”.
Le boss de Egg Cetera a du mal à voir le bout du tunnel : “est-ce que la fin du confinement sera comme une libération, ou est-ce que le retour à la normale sera poussif ? Touchons du bois…”