Le sexisme donne toujours le “la” dans l’industrie musicale
L’industrie musicale est un terrain propice au sexisme. Si la pandémie a contribué à l’émergence d’un mouvement inédit de libération de la parole des victimes d’agressions sexistes et sexuelles dans le milieu, les femmes doivent encore affronter de nombreux obstacles pour s’y faire une place. Décryptage.
Alors que la journée du 8 mars est consacrée à la lutte pour les droits des femmes, l’institut Midia Researchs’est penché sur la place des femmes dans le monde de la musique. Force est de constater que cette industrie leur en laisse peu. 81% des 401 femmes interrogées par l’institut estiment qu’il est plus difficile pour les artistes féminines d’être reconnues que leurs homologues masculins. Plus inquiétant encore : neuf répondants sur dix disent que l’industrie musicale traite ses professionnels différemment en fonction de leur genre.
Plusieurs facteurs contribuent à cette dynamique égalitaire inachevée. Parmi eux, les nombreuses affaires de violences sexistes et sexuelles qui entachent la profession depuis de nombreuses années. En 2020, le collectif MusicToo avait récolté plus de 300 témoignages mettant en évidence les abus auxquels sont confrontées les femmes dans le monde de la musique. Ils ne sont que la partie visible de l’iceberg : 67% des femmes travaillant dans le secteur musical (artistes ou professionnelles) aux États-Unis disent avoir été victimes, au moins une fois, de harcèlement sexuel, selon une étude de 2018 de la Music Industry Research Association.
L’hypersexualisation des artistes, l’âgisme, l’ambiance festive et la précarité du métier sont autant de particularités qui peuvent rendre l’industrie musicale particulièrement hostile pour les femmes. Plus de 80% des professionnelles interrogées par Midia Research sont d’accord pour dire que les femmes doivent nécessairement “avoir un bon look (apparence, image, performance visuelle) et un bon son” pour percer dans le milieu. La DJ russe Nina Kraviz en a fait les frais. “Les gens se méfiaient d’une jolie femme qui faisait de la musique toute seule, avec une vision. Ils ne pouvaient pas me maîtriser. C’était comme si : ‘Ça ne peut pas être possible de porter du rouge à lèvres et de faire de la musique'”, avait-elle déclaré au Guardian en 2018.
Combattre les stéréotypes de genre
Autre grand sujet de préoccupation pour les femmes dans la musique : leur âge. Beaucoup se disent préoccupées par le fait de vieillir, et ce quel que soit leur âge. “L’industrie musicale veut que les artistes féminines soient jeunes- ce qui est en partie symptomatique de l’obsession de l’industrie pour la jeunesse, mais aussi pour que les femmes aient du succès avant qu’elles ne soient supposées vouloir devenir mères”, peut-on lire dans le rapport de Midia Research. Les femmes peuvent avoir du mal à se défaire de ces stéréotypes de genre, surtout dans certaines branches très “masculines” de l’industrie musicale. Deux tiers des sondées se sentent particulièrement exclues de la composition et de la production de la musique.
De plus en plus de professionnelles du secteur créent des collectifs pour pousser le secteur à revoir son fonctionnement. Et cela pourrait marcher. Un tiers des participantes de l’étude (35%) estiment que le mentorat et le coaching pourraient encourager plus de femmes à se diriger vers une carrière dans la musique, tout comme des changements structuraux et législatifs. Les quotas sont également une solution avancée par 29% des répondants. Plusieurs festivals de musique ont fait le choix et veillent désormais à respecter la parité dans leur programmation. Mais le chemin est encore long avant que l’industrie musicale soit aussi paritaire.