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Pleix, communauté artistique

Texte: Godefroy Gordet

Pleix «est une communauté virtuelle d’artistes numériques basée à Paris», précise la plateforme intranet du collectif. On y compte sept artistes numériques qui se positionnent entre le graphisme, le design 3D, la musique, l’audiovisuel. Malgré la migration de certains d’entre eux aux USA ou dans le Sud de la France, la communauté continue néanmoins de développer des projets artistiques de grande ampleur. De par son fonctionnement à géométrie variable, cette «communauté virtuelle», comme ils aiment à l’appeler, ne se réunit pas autour d’un studio de création mais utilise plutôt internet pour mener à bien son activité. Dans un échange constant d’idées, de connaissances, et de techniques, le groupe fusionne différents goûts et styles pour libérer des œuvres uniques, «Le collectif est un espace de liberté et de solidarité créative».

«Pleix» est venu par hasard, «nous aimions la sonorité et la graphie du mot». Cela ne veut rien dire, pourtant, «Quelques temps après, nous nous sommes aperçus que c’était aussi l’anagramme de pixel», un joli hasard. Depuis 2001, Pleix rassemble une poignée d’artistes autour de projets communs. Tous tiennent à rester anonyme, «nous préférons mettre en avant nos créations plutôt que notre égo. C’est pour cette raison que nous signons nos projets sous le seul nom de Pleix».

Orange, Toyota, Itv, Bacardi, Sony, Duracell, Citroën, Amnesty, Nissan, Heineken, Lexus, Mini, CNP, Mazda, SNCF, Nokia… Nombre de vos projets sont destinés à la publicité. Chaque projet commercial a une identité artistique propre et porte l’esthétique du collectif, «Nous intervenons par dessus l’idée de départ d’une agence de communication, en y ajoutant notre touche, patte artistique et en rendant l’idée de l’agence cohérente avec leurs conditions». Il réside souvent une bataille artistique avec l’agence, qui ne veut pas dérouter son client avec une approche trop pointue, «Le nerf de la guerre est de trouver le juste milieu, s’accommoder du minimum de compromis pour pouvoir y trouver quand même du plaisir et d’être fier du résultat». Ensuite, autour de l’idée, s’organise le travail. Il s’agit de déterminer qui travaillera sur le projet, «nous travaillons le plus souvent en binôme». Le potentiel de l’idée est évalué pour juger le niveau d’intérêt visuel réel, «puis, nous essayons d’y coller très vite une imagerie». En dégageant une planche de tendances visuelles ils définissent la direction graphique qu’ils prendront. Ensuite, vient la narration, «Souvent les agences veulent glisser trop de choses dans un même spot et nous devons leur proposer une version plus raisonnable, tout en étant plus précise, qui va rentrer dans leurs timings». Mais l’enjeu premier dans l’image publicitaire est l’occasion de glisser une petite innovation visuelle à chaque fois, «Quelque chose qui va apporter un peu d’eau nouvelle au moulin de la publicité. C’est souvent quelques gouttes, parfois quelque chose qui existe déjà sous une autre forme plus expérimentale dans l’Art, mais qui n’a jamais été tenté sous une forme commerciale. C’est un jeu un peu pervers d’un artiste-sorcier qui verserait quelques gouttes de LSD dans un gros chaudron de réclame publicitaire».

D’un autre côté, la branche «Installation» du collectif revêt profondément l’esthétique Pleix avec ce côté un peu barré, brillamment loufoque… Dans la plupart de leurs installations, on retrouve le rapport prédominant du public, «On essaie toujours de produire quelque chose que nous-mêmes aimerions voir. On exhibe le fruit de notre travail, nous n’avons rien à vendre, on ne fait que communiquer une réflexion, une émotion… partant du principe que si nous y sommes sensibles, la plupart de nos spectateurs le seront aussi». Il y a dans leurs installations, cette notion de machine, un peu à la Tinguely… Des machines conçues pour créer un spectacle généré par une sorte de machine sculpture, « comme dans les films publicitaires Sony HD, Orange, ou SNCF. C’est de la technique brute où on n’a pas peur de montrer les rouages, ce qui peut effectivement faire penser à du Tinguely». Dans le processus, Pleix parle de chorégraphie, «Dans un premier temps, on liste les différentes actions (mouvements) et seulement après on commence à penser à une structure et en dernier au design».

Après quelques années de travail intensif dans le monde de la publicité, 2062 à la Gaîté Lyrique est une exposition menée par Pleix, un peu pour revenir aux fondamentaux, «Jérôme Delormas, le directeur de la Gaité Lyrique, nous a offert une fois de plus cette possibilité comme en 2004 à la Ferme du Buisson. Il est important pour nous d’avoir ce « temps long » de la création et d’alterner projets de commandes et projets personnels car ils se nourrissent l’un de l’autre».

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Néanmoins, c’est du côté de vos films et court métrage que l’on remarque le plus le côté abrasif du collectif. No, Beauty-Kit, Itsu, E-Baby, dès les origines du collectif, la ligne artistique se veut étonnante, «Nous avons toujours voulu nous surprendre nous-mêmes, faire des images que nous ne voyions pas ailleurs mais aussi essayer de partager nos obsessions sur l’hyper-consommation, l’omniprésence de la technologie, l’insatiable avidité des humains pour tout ce qu’il désire: la beauté, la jeunesse, le pouvoir, le sexe, l’argent»… Aujourd’hui, chacun des membres de Pleix est plus aguerri, plus exigeant techniquement et, «peut-être un peu blasé aussi! Dans le sens où pour nous étonner nous-mêmes, il faut vraiment faire des choses exigeantes». De fait, les idées mutent, changent, le clip HFCS parle de la manipulation alimentaire qui a lieu aux USA et en Europe depuis 20 ans, l’installation Family Shade parle évidemment de l’ultra-moderne solitude qui concerne de plus en plus de gens, l’installation Hybrid évoque la condition animale qui est devenu dramatique ces dernières décennies.

Prochainement, Pleix expose Future Days au Cercle Cité dans le cadre du Luxembourg Film Festival. Huit créations y seront présentées lors de l’exposition, Watercool (installation), Family Shade (installation), Hybrid (vidéo interactive), Hot Spot (2 vidéos), Paradise (vidéo), Astral Body Church (vidéo) et Codec une nouvelle installation créée spécialement pour le Cercle Cité Luxembourg. Et pour la suite, «Si tout se passe comme prévu nous devrions sortir un nouveau film perso d’ici peu (le projet est en cours de finalisation)».

Finalement, même si Pleix développe des projets au long terme, le collectif ne semble pas créer de stratégie, ni de vision à long terme, «Nous avons toujours suivi notre instinct, nos envies et nous sommes adaptés aux différentes situations. Du coup c’est toujours très compliqué de se projeter». Le monde publicitaire est en train de changer radicalement, «Du coup il n’est pas exclu que nous ne fassions plus de pub, ou du moins pas sous la forme qu’on a connue jusqu’à maintenant, d’ici 10 ans». Pleix parle de retour vers l’artisanat, «où l’on fait les choses soi-même par faute de moyen». Une façon de forcer la créativité… «Restons flexibles, continuons à faire nos films et voyons ce qui se passe».

Chiffres

  • 7 artistes
  • 15 ans d’activité
  • 16 spots publicitaires majeurs

Expo’

  • Du 30 janvier au 6 mars, au Cercle Cité dans le cadre du Luxembourg City Film Festival

www.pleix.net