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Sleaford Mods ou l’art de la punchline et de la street credibilité

Photos : Carl NEYROUD
Texte : Thibaut André
Itw : Thibaut André / Carl Neyroud
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Il y a des concerts qui passent et puis on les oublie. Il y a aussi des concerts qui demeurent à jamais, mais c’est plus rare. La performance des Sleaford Mods ce samedi à l’Atelier s’inscrit indiscutablement dans le deuxième groupe. 

La première partie est assurée par le trio féminin suisse de Massicot. Le groupe évolue dans les eaux troubles du postpunk destructuré tendance noisy. C’est d’emblée un style pas très facile à aborder car on est à des kilomètres de la pop easy listening, mais le set reste convaincant. C’est un pari audacieux.

Venu défendre leur nouvel opus « English Tapas » sorti sur Rough Trade Records en 2017, le duo électro-postpunk minimaliste de Sleaford Mods monte sur scène dans une tonnerre d’applaudissements. Il ne faut pas un doctorat en psychologie pour comprendre que la salle leur est déjà acquise.

Ayant réglé ses comptes avec le shérif local (ils viennent de Nottingham), Andrew lance un premier beat. Armé de sa gouaille légendaire et arborant un superbe t-shirt au col bien étroit, Jason balance ses punchlines avec son accent tonitruant des Midlands de l’Est. Son sprechgesang fait mouche à tous les coups. Chaque syllabe est débitée comme un coup de hache et les rythmiques martiales et hypnotiques font écho à leur colère.

Pendant plus d’une heure, tel un coureur de fond, Jason joue de son micro et de son flow sans montrer le moindre signe de fatigue. C’est un vrai forçat de la punchline et du verbe acerbe. Même s’il use çà et là de vert langage, les mots sonnent juste et résonnent dans les têtes au sein du public. D’ailleurs, ce dernier commence sérieusement à bouger.

Côté musique, Andrew reste fidèle à lui-même. Il se balance d’avant en arrière de plus en plus frénétiquement au fil des chansons, mais, loin d’être devant le mur des Lamentations, il semble approuver chaque mot de son compère. Une main en poche et l’autre avec une bouteille, debout devant son petit matos, il envoie un énorme middle finger aux DJ starlettes façon David Guetta qui « jouent » les bras en l’air derrière des tables énormes (et très souvent à peine branchées…). Le contraste est flagrant, le message limpide. Andrew est un anti-DJ, un anti-héros.

Sur Jobseeker, le public s’enflamme et la performance vire carrément au punk pur et dur. L’énergie du set est à son paroxysme. Il règne une sacrée ambiance dans la salle.

Il y a une expression anglo-saxonne contemporaine qui me vient à l’esprit en les voyant jouer : street credibility. Ces mecs viennent de la rue et ont connu la pauvreté. C’est dans la misère qu’ils ont accouché de ce style si personnel magnifié au fil du temps. La rareté stimule la créativité et invite au dépassement de soi en fait. La rue aurait pu les emporter. La musique les a sauvés, ainsi qu’une volonté d’acier. Respect maximal.

Téléchargez ici notre entretien de Jason Williamson avant le concert