La Review : Le théâtre en immersion à la Belle Étoile
Vivre l’univers si particulier d’un mall, retracer sa success story, plonger dans son passé et analyser son présent, le tout en pleine visite immersive à la Belle Étoile sur la douce voix de Frédérique Colling : c’est ce que propose le Kinneksbond de Mamer avec « L’Âge d’or » d’ Igor Cardellini et Tomas Gonzalez, à découvrir jusque début mars…
À la manière de balades touristiques de sites archéologiques, L’Âge d’or est en fait un concept théâtral porté par le duo d’artistes suisses qui propose des visites guidées d’un nouveau genre de banques, de bureaux et de centres commerciaux – lieux rarement considérés au-delà de leur dimension fonctionnelle.
Pour la recréation du spectacle au Luxembourg, c’est le Kinneksbond qui accueille ainsi – mais en délocalisation au Shopping Center Belle Étoile – Igor Cardellini et Tomas Gonzalez, qui s’associent ici à la comédienne Frédérique Colling pour « tenter de décoder – non sans humour – les idéaux véhiculés par le mall à l’américaine, un espace où les vestiges du passé cohabitent avec la réalité de nos sociétés contemporaines ». Rien que ça ! Bold était invité à la générale du spectacle et s’est laissé entraîner dans cette aventure culturelle loufoque, mais qui sait créer la réflexion…
Le tout commence en extérieur, côté parking arrière. Des transats face à l’entrée du centre commercial et de son nouveau food court G.A.N.G, une musique soyeuse digne d’un ascenseur des années 80, des automobilistes effarés par l’alignement de casquettes orange fluo qui nous sont confiées pour ne pas nous perdre – ou en tout cas signifier à notre entourage que nous ne sommes pas juste une bande de dingues. Avec plus ou moins de succès ! Puis la voix enveloppante de Frédérique, qui se tient de l’autre côté du petit rondpoint, se fait entendre : la Belle Étoile a été nommée ainsi lors de sa création en 1974 car elle se vouait à éclairer et à diriger les consommateurs du centre-ville de Luxembourg vers ce nouvel eldorado capitaliste sorti de terre à Strassen, sur la route d’Arlon. Le capitalisme, le pouvoir et l’architecture constituent le triumvirat de L’Âge d’or. On en apprend ainsi plus sur l’architecte des lieux, l’Américain Martin Erlebache, proche conseiller du fondateur de Cactus, Paul Leesch ; sur la famille de ce dernier, qui détient toujours la marque et ses dizaines de grandes et petites surfaces, et sur le béton désactivé, à l’aspect gravillonné qui laisse apparaître des galets de la Moselle luxembourgeoise, si emblématique de l’enseigne Cactus.
Puis, au fil d’une promenade à travers ce Shopping Center Belle Étoile historique, nous sommes conviés à découvrir les coulisses, l’histoire et les enjeux de ce haut temple grand-ducal de la consommation. Pourquoi tournons-nous plus facilement à droite dans une galerie marchande ? Essayons plutôt le contraire… Que raconte une vitrine si bien pensée que les mannequins y acquièrent presque leur propre histoire ? Combien a dépensé cette personne ? Quels mécanismes mentaux et sociaux peu visibles du grand public se cachent derrière la machine bien huilée d’un mall de la sorte ? Et enfin, que faire cette seule et unique cellule commerciale vide… ?
Autant de questions auxquelles les participants sont appelés à répondre intérieurement, entre deux animations participatives. C’est un peu barré et ça fait sortir le public autant que le théâtre de sa zone de confort, finalement, que demander de plus ? Un joli projet qui bouscule les codes, réalisé en collaboration complice avec la Belle Étoile et Services for Creatives. Il ne reste que peu de places, à vos résas !
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