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C’est Karma, au carrefour de la pop et de l’Université

Par Sébastien Vécrin / Photos : Kiko Tsvetkov

Une conversation avec C’est Karma s’apparente à une immersion dans un monde où la musique underground rencontre l’académisme, un moment où les rythmes électro-pop se mêlent aux échos d’une scène punk, le tout sous le regard attentif d’une étudiante déterminée. C’est ici que cette artiste luxembourgeoise de 22 ans trouve sa place, jonglant habilement entre les bancs de l’université d’Amsterdam et les studios d’enregistrement. Devant moi, elle incarne la jeunesse audacieuse et la créativité, mêlant innocence et détermination dans une harmonie qui défie les conventions. Entretien avec la future star de la pop made in Luxembourg.

Karma Catena (son vrai nom complet) parle de son quotidien avec une honnêteté rafraîchissante : « Je suis à la fac, en troisième année de Bachelor de Culture Studies. C’est une filière longue, j’ai une vingtaine d’heures de cours par semaine, tous en anglais ». Ces mots simples, mais lourds de sens révèlent un équilibre précaire entre deux mondes. Chaque journée est un numéro d’acrobate, une danse entre la rigueur des études et la liberté de l’expression artistique. Le processus créatif de C’est Karma est un voyage introspectif. « Ça commence avec une démo sur l’ordi et avec quelques plugins », raconte-t-elle, ses yeux brillant à l’évocation de ces moments de création solitaire. Chaque morceau est un chapitre de sa vie, un récit qui se tisse à travers les mélodies et les paroles. Ses harmonies sont plus qu’une suite de notes, c’est une histoire, une exploration personnelle qui prend vie à travers les sons et les rythmes. Elle peut aussi se laisser aller sur une mélodie au piano ou sur sa guitare, puis, quand l’idée est là, elle entre en studio avec des producteurs pour que la magie opère. D’abord arrive le beat, puis elle y colle ses poèmes ou ses chansons qu’elle pioche dans son petit carnet en adaptant, si besoin, les paroles à la musique. « J’écris par phase, ça peut aller de 10 heures par semaine jusqu’à 100 % de mon temps. Tout dépend de mon mood ». D’ailleurs, son premier album est terminé et arrivera dans les bacs en septembre. Un vrai travail introspectif, une belle honnêteté dans la composition, 13 tracks puissantes de pop – enfin 12 plus une chanson secrète. Chez Bold, on espère que ce chiffre va lui porter chance et on a hâte de faire péter les watts dans nos bureaux. Il y aura même une sortie vinyle, alors Karma, demande vite à ton label de nous envoyer une copie ! « Alors, j’ai longuement réfléchi, et je sors ce LP sans label, en totale indépendance. Je ne crois plus vraiment à la dynamique des maisons de disques. Je compte sur mon propre réseau pour distribuer et assurer la promotion de mon album. Idem pour les bookings. Je crois beaucoup en l’humain avant tout (sourire) ».

Punk is dead

Sa transformation de jeune punkette sous l’abribus de Mersch à princesse pop sous les spotlights de la Rockhal est un récit de découverte et d’évolution. « J’ai grandi dans la scène punk à fond de NOFX où être pop, c’était être mainstream, ça m’a pris du temps de déconstruire cette image », avoue-t-elle. Ce chemin n’est pas un reniement de ses racines, mais un élargissement de son spectre musical, une reconnaissance que l’art transcende les genres et que chaque style a sa propre beauté. Son nom de scène, C’est Karma, c’est simplement son vrai prénom qu’elle adore, d’origine portugaise. C’est une affirmation de son unicité et ça lui colle parfaitement à la peau. « C’était juste Karma au début de ma carrière, mais c’était trop commun et trop confus à googliser. Alors, suite au conseil de mon ami de toujours, Andy, j’ai ajouté C’est ». Son blaze est un symbole de son individualité dans un monde numérique où l’identité peut se perdre facilement. Elle choisit délibérément un pseudo qui reflète son parcours unique et sa musique.

Elle aborde l’aspect entrepreneurial de sa carrière avec une maturité remarquable. « Il faut trouver les bons collaborateurs », dit-elle, soulignant l’importance d’un réseau solide et de partenariats fiables. C’est Karma n’est pas seulement une artiste, mais aussi une business girl avisée, consciente que l’industrie musicale demande un mélange de créativité et de pragmatisme commercial. Pour elle, la musique est un travail, qu’elle adore, certes, mais un taf qui prend beaucoup de temps. Elle s’est entourée d’une équipe, d’un tourneur, de graphistes, d’artistes, de clippers et de son manager Kristof, qu’elle a rencontré en 2018 au Sonic Visions. Lors de ce festival professionnel organisé par la Rockhal, à seulement 16 ans, elle participe à un speed dating pour briser la glace avec l’industrie musicale européenne. Trois minutes pour se vendre. Trois minutes pour découvrir l’autre. « J’y suis allé avec toute ma naïveté. Je n’avais même pas prévu de carte de visite. J’ai couru dans l’urgence chez Action acheter du papier origami et j’ai écrit mes coordonnées au stylo ». Son futur manager la verra le soir même en concert. Il a immédiatement été bluffé par sa prestance en live. Lui réside à Hambourg, Karma au Luxembourg, pragmatique, ils se donnent rendez-vous quelques jours plus tard à mi-chemin, à Koblenz, pour sceller leur partenariat. Aujourd’hui, ils avancent toujours ensemble, main dans la main.

Business is business

Ses réflexions sur l’industrie musicale, sur la nécessité d’un équilibre entre l’art et le business, résonnent avec une pertinence particulière dans notre époque. Elle incarne une nouvelle génération d’artistes qui comprennent que pour réussir, il faut non seulement du talent et de la passion, mais aussi une compréhension aiguë du monde dans lequel ils opèrent. Elle inspire tous ceux qui cherchent à suivre leur passion tout en restant fidèles à eux-mêmes. Sa musique, à l’image de sa personnalité, est un mélange vibrant de couleurs, de textures et d’émotions, un univers où chaque note raconte une histoire, chaque rythme dévoile un sentiment. Ses influences musicales sont un kaléidoscope d’inspirations diverses. « J’aime la production pop, les artistes pop », partage-t-elle, évoquant son admiration pour des artistes comme l’Anglaise Charli XCX ou l’Américaine Caroline Polachek. « J’adorerais faire sa première partie, ce serait vraiment une expérience inoubliable (sourire) ». Cette diversité inspire sa propre créativité, lui permettant d’expérimenter avec différents genres pour créer quelque chose d’unique.

L’Eurovision est un sujet abordé avec une certaine réserve. « J’ai été sélectionnée, mais j’ai renoncé », révèle-t-elle. Cette décision, bien que difficile, met en lumière son engagement envers son art et sa détermination à suivre son propre chemin artistique, loin des sentiers tous tracés. Elle parle de son besoin de pauses, de moments de retraite loin de la musique pour se ressourcer. « Les derniers mois ont été très durs », confesse-t-elle, évoquant la pression de concilier études et musique. Ces périodes d’éloignement sont essentielles à son équilibre, lui permettant de se reconnecter avec elle-même et de recharger ses batteries créatives.

Viser les étoiles

Le live est un aspect crucial de son identité. « Jouer, c’est partager ma musique d’une manière directe. Sur scène, c’est évidemment moi, qui je suis, mais de façon très exagérée (sourire) », explique-t-elle. En concert, sa musique prend vie, se transformant en un échange émotionnel et énergétique avec son public. Elle bouge, elle danse, elle s’exprime, elle vit, elle joue avec la puissance des lumières : sa direction artistique est sans faille ! Pour encore plus remplir la scène, elle a abandonné la guitare sur les planches et se concentre sur sa prestation. La jeune Luxembourgeoise parle de ses aspirations futures avec clarté et ambition : « Dans dix ans, j’espère faire de belles tournées, avoir du succès, et vivre de ma musique, mais avant je pense faire un master à Vienne ». Ces mots résument ses objectifs, révélant une artiste déterminée à laisser sa marque dans le monde de la musique. « Remarque, j’espère que ça ne prendra pas 10 ans et que j’y arriverai avant (sourire) ». C’est Karma est une artiste complexe, une mosaïque de talents, d’intelligence et de persévérance. Elle symbolise la nouvelle génération d’artistes, ceux qui refusent de suivre les sentiers battus, préférant tracer leur propre chemin, enrichissant le paysage musical de leur originalité et de leur passion. Le public et la critique ne s’y trompent pas : C’est Karma est une des deux lauréats de la bourse Global Project Grant 2024, accordée par Kultur | lx.

Parler avec C’est Karma, c’est être témoin d’une odyssée musicale et personnelle, un voyage à travers la création et l’ambition. Elle est un symbole de la jeunesse contemporaine, une jeunesse qui danse sur de l’electro dans des caves sombres, une voix pour une génération en quête d’expression authentique et significative. Dans un monde souvent régi par les tendances et les attentes, elle se démarque comme un exemple de ce qui est possible lorsque l’on suit son cœur et son intuition, bravant les défis et les incertitudes pour créer quelque chose de véritablement extraordinaire. Dans le game de la musique, C’est Karma n’est pas seulement une note parmi d’autres, elle est une mélodie complète, un hymne à l’individualité et à l’expression. Chaque chanson, chaque performance est un chapitre de son histoire, un récit qui continue de s’écrire au fil de ses expériences et de ses explorations.

Ce format est également à retrouver dans Bold Magazine #84, à lire en ligne ici!

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