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La vague B Corp déferle (aussi) sur le Luxembourg

Par Pierre Pailler / Photo : Sabino Parente - Ramborn

Parti des États-Unis, le label B Corp, qui propose une analyse holistique de l’impact social et environnemental des entreprises, explose désormais en Europe. Le Luxembourg n’est pas en reste, avec dix entreprises certifiées, dont quatre sur la seule année 2023.

Pour les amateurs de cidre, le producteur luxembourgeois Ramborn n’est plus à présenter. Mais Ramborn, ce n’est pas que du cidre, c’est aussi – et avant tout – un engagement pour la nature et le climat: des variétés locales de pommes et de poires, des milliers de mètres carrés de terres protégées pour favoriser la biodiversité, des partenaires locaux, des milliers de kilos de CO2 stockés…

C’est donc presque naturellement que l’entreprise familiale a obtenu le label B Corp en 2020. « La famille s’est retrouvée, toutes générations confondues, autour d’une table, puis le sujet B Corp est arrivé sur cette table », raconte Erica Leclercq, B leader mais aussi directrice de la communication chez Becolux, la maison-mère de Ramborn. « La jeune génération s’est dit : en fait, nous sommes déjà B Corp avant même de rentrer dans le processus. Ces quatre lettres traduisent notre raison d’être, qui est de protéger l’environnement et la biodiversité ». Et représentent ainsi la manière la plus efficace de raconter l’histoire qui se trouve derrière le nom Ramborn et la production de cidre.

Le label B Corp s’est en effet imposé ces dernières années comme une des certifications les plus efficaces pour les entreprises engagées – ou qui souhaitent s’engager – sur un chemin écoresponsable. L’histoire commence en 2006, à Philadelphie : trois jeunes Américains, Bart Houlahan, Jay Coen Gilbert et Andrew Kassoy, fondent B Lab, une organisation à but non lucratif, avec l’ambition de promouvoir un nouveau modèle économique, plus social, écologique et transparent. Dans cette perspective, la certification B Corp est créée afin de mesurer de manière holistique l’impact social, sociétal et environnemental d’une entreprise.

La déferlante B Corp

Et, en ce début 2024, le label B Corp fait désormais figure de référence, avec plus de 8.000 entreprises certifiées à travers le monde, dont de grands noms – Patagonia, Nespresso, Sézane, Bollinger, L’Occitane, Ben & Jerry’s, Danone – et une croissance qui explose (elles étaient encore à peine 6.000 entreprises certifiées fin 2022). Et si le mouvement a ses racines implantées dans les pays anglo-saxons – plus de la moitié des entreprises certifiées sont installées en Amérique du Nord et au Royaume-Uni -, il est désormais présent dans 95 pays et déferle sur l’Europe continentale, où plus de 1.600 entreprises sont désormais labellisées.

Le Luxembourg n’échappe pas à la vague : 170 entreprises B Corp sont actives sur le territoire du Grand-Duché, et dix y ont leur siège. « Nous ne sommes encore qu’au tout début », se réjouit Laura Mullenders, B Corp coordinator chez IMS (Inspiring More Sustainability), qui est devenu depuis octobre 2022 le point de contact de B Corp au Luxembourg.

« Nous voulions créer un ancrage local », explique-t-elle. « Et cela a été un très bon partenariat jusqu’ici, avec un impact rapide puisque la communauté d’entreprises certifiées B Corp a doublé en un an ». De fait, depuis 2022, la dynamique s’est emballée au Luxembourg. La première entreprise luxembourgeoise certifiée B Corp, Innpact, une société de conseil et de gestion de fonds dédiée à la finance durable, l’a été en 2015. Trois autres entreprises ont suivi: Farad Group en 2017, Ramborn en 2020 et A beautiful green en 2021. Puis le rythme s’est accéléré en 2022, avec deux nouvelles certifications (Gotofreedom, AFIR), et encore davantage en 2023, avec quatre nouveaux entrants : le constructeur CDCL, la Banque de Luxembourg, Astanor Ventures et enfin, en octobre dernier, l’artisan menuisier Bamolux.

Tous les secteurs représentés

Des entreprises qui viennent de tous les secteurs, de l’alimentaire au bancaire en passant par la menuiserie et l’assurance. « Une des forces de la communauté, c’est qu’elle est très diversifiée », constate Laura Mullenders. « Sans le mouvement B Corp, une banque, un menuisier et un producteur de cidre n’auraient peut-être pas été amenés à se rencontrer et à travailler autant ensemble ».

Cette diversité est au cœur du processus de certification, qui permet à chaque entreprise de mettre en valeur ses atouts, et ce dans des domaines très variés. Toute entreprise intéressée peut se rendre sur le site de B Lab et compléter en ligne le B Impact Assessment (BIA), une série de quelque 250 questions réparties en cinq piliers – gouvernance, employés, communauté, environnement et consommateurs. Celles qui veulent être certifiées doivent atteindre un total de 80 points, attribués selon les réponses. Des preuves à l’appui sont ensuite réclamées par les analystes du B Lab.

Chacun son point fort

Mais les entreprises ne sont pas tenues d’exceller dans tous les domaines. Ramborn est par exemple très efficace concernant le pilier Environnement, moins sur le volet Consommateurs. Au contraire, Astanor Ventures brille sur ce dernier, mais performe peu dans le premier. In fine, cela permet à chacun de mettre en avant ces points forts, tout en prenant conscience de ces faiblesses et, ainsi, de tenter de les améliorer. Ce qui est crucial puisqu’une réévaluation de la certification a lieu tous les trois ans, imposant un véritable suivi de la démarche et une forte incitation à s’améliorer de manière continue.

« Cet outil permet de continuer à réfléchir à son business model et de voir ce qui est améliorable après la certification », témoigne ainsi Erica Leclercq de Ramborn. « Exemple concret : chez Ramborn, nous avions un point très négatif sur la santé, puisque nous sommes des producteurs d’alcool. Donc nous avons revu notre business model en nous lançant dans les jus et les sodas ».

Une communauté très forte

En outre, une communauté diversifiée permet aussi des échanges riches avec les membres autour des questions sociales et environnementales. « L’aspect communauté est très fort », constate Erica Leclercq. « Les B Corp sont présents sur des plateformes en continu pour échanger des technologies, des astuces pour s’améliorer, savoir ce qui fonctionne chez l’un ou chez l’autre. Sans compter les nombreux séminaires et summits ».

Les autres avantages de la certification sont multiples, liste Erica Leclercq: de la communication – synthétiser l’esprit de l’entreprise, justifier des tarifs parfois plus élevés, faire connaître ses produits à l’international – au réseau de partenaires en passant par le recrutement: « Des personnes, surtout des jeunes, viennent chez Ramborn parce que c’est B Corp », assure-t-elle. « La nouvelle génération ne veut pas seulement avoir un job à impact, mais aussi travailler dans une boîte qui œuvre à l’impact. Au niveau de l’employer branding, cela a été très fort pour nous ».

Par-delà le label

Désormais, le succès de B Corp atteint un niveau où il s’autoalimente. « C’est une des seules certifications qui a cet esprit global, tant dans le sens où elle évalue tous les aspects d’une entreprise que dans le fait que c’est une certification qu’on va retrouver partout dans le monde », constate Laura Mullenders. « Cela unit beaucoup et permet de ne pas se sentir seul face à l’éco-anxiété. On regarde le positif en cherchant à toujours mieux faire. C’est cette énergie-là qui donne du succès au mouvement ».

Cette « positive energy » est une qualité essentielle de B Corp. « Il ne s’agit pas d’être le meilleur au monde, mais le meilleur pour le monde et de toujours avancer vers cela », décrit Laura Mullenders. Dans cette perspective, B Corp peut être perçu non pour sa certification, mais comme un outil simple d’utilisation à disposition de tous pour s’améliorer. « La certification B Corp n’est pas une fin en soi, c’est avant tout un outil pour mesurer l’impact qu’on a », estime Erica Leclercq. « C’est top si on peut être certifié, évidemment, mais si tout le monde pouvait déjà ouvrir le BIA, regarder où ils en sont, voir ce qu’ils peuvent améliorer, alors c’est gagné. Je ne prêche pas pour le label, mais pour l’outil ». 60.000 entreprises utilisent d’ailleurs le BIA dans le monde, sans forcément chercher à être certifié.

Tout le monde est en tout cas le bienvenu, qu’importe la taille, le secteur ou le niveau d’ambition, assure Laura Mullenders, qui rappelle que la porte d’IMS est ouverte à tous et à toutes les questions. « Si quelqu’un a envie de participer, quel que soit le projet, il y a moyen de s’engager avec nous. Contactez-nous, n’ayez pas peur! Il faut juste faire le premier pas pour changer son mode de vie. Et c’est fun! ».

Ce format est également à retrouver dans Bold Magazine #84, à lire en ligne ici!

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