Hollerich, futur Eldorado du design ?
Le quartier de Hollerich, longtemps prisé des oiseaux de nuit puis boudé par délit de faciès et d’insécurité, est aujourd’hui en pleine transformation. Bâtiments publics flambants neufs, réaffectation d’icônes architecturales et projets de réaménagements d’envergure : s’il a encore du mal à se débarrasser de ses vieux démons, Hollerich se positionne aussi comme un nouveau pôle d’attrait pour les professionnels des industries créatives. La preuve en est avec le nouveau Design Hub, qui s’est installé officiellement en octobre dernier dans une des adresses les plus emblématiques de la capitale luxembourgeoise et qui accueille des vissages bien connus de la scène locale, tout comme de jeunes talents émergents… Mais cela est-il suffisant pour compter sur la durée ?
Difficile, voire impossible, de ne pas avoir de bons souvenirs en tête lorsqu’on passe devant le 42-44, rue de Hollerich, L-1740 Luxembourg. Pendant une bonne paire de décennies, c’est là qu’il fallait être pour faire la fête comme il se doit : les afterworks et la terrasse du Marx, les concerts rock du Bronx, puis du Décibel, les soirées endiablées du Light, puis du Lab, du Q, puis du Choco Elvis, les pizzas du Mama Loves You… Qui n’est pas passé, avant la pandémie, par cette adresse incontournable de la Ville de Luxembourg, à quelques pas de l’Atelier et de ses concerts ?
Mais cette petite cour festive aura finalement partagé le destin de toute sa rue : alors que les sorteurs branchés et les créatifs de tout âge et de tout bord s’y ruaient en masse jusqu’au milieu des années 2010 – on se souvient aussi de feu le Cat Club (c’est le cas de le dire), du Carrérotondes et de son Exit07, les délits à répétition, le manque de parking et la réputation devenue terne de Hollerich ont eu gain de cause. Mais il est toutefois indéniable qu’une nouvelle vie est en train de s’y installer, à grands coups de travaux : les nouveaux sièges rutilants de la CNS et de la CMCM ou encore la transformation du superbe bâtiment Heintz Van Landewyck qui accueille à présent les bureaux du groupe Saint Paul donnent clairement un visage plus neuf à cette artère très passante de la capitale grand-ducale. Donner un nouveau rôle à l’ancien, c’est aussi ce qu’a fait la capitale luxembourgeoise au 42-44, en transformant – pour le moment – deux des anciens établissements festifs abandonnés en un Design Hub ambitieux, qu’elle décrit comme « un workspace réservé aux professionnels des industries créatives qui s’inscrit dans l’engagement de la Ville visant à favoriser l’entrepreneuriat et l’innovation tout en soutenant les jeunes talents qui souhaitent prendre pied dans l’écosystème du design au Luxembourg ».
Une adresse bien choisie
Concrètement, il s’agit de 5 bureaux pop-up, alloués pour 11 mois maximum à des designers souhaitant lancer ou stimuler leur activité, le tout assorti d’un espace de réception pour des petits événements – c’est ainsi là que Studio Polenta a soufflé ses 10 bougies fin 2023. Les locataires actuels sont la fédération nationale Design Luxembourg et les designers Navid Razvi, Ruth Lorang (notre Smart Kid On The Block, à retrouver dans les pages suivantes), Henri Schoetter et Julie Conrad, à présent en solo. Ces deux derniers nous ont d’ailleurs confié leurs impressions sur le projet et les atouts qu’il présente.
Selon Julie, créatrice de mobilier, objets et accessoires qui se démarquent par leur conception circulaire, l’emplacement en lui-même a été bien choisi : « J’avais déjà eu un pop-up en centre-ville, et on avait beaucoup discuté avec la Ville de Luxembourg à l’époque quant au besoin d’avoir un endroit plus identifiable et pérenne pour les designers. Le choix de cette adresse est intéressant, car il est accessible pour le public sans être trop passant, ce qui permet de me concentrer sur mon travail et d’accueillir les personnes intéressées, mais sans que ce soit en permanence ». L’endroit, vidé de ses locataires depuis des années – exception faite du restaurant Mad About Peru et de l’ancien Marx voisins – se prête de plus particulièrement bien au projet et aux attentes de la propriétaire des murs « qui souhaitait de nouveaux venus, mais pas d’établissement horeca ». L’occasion a fait le larron, tant mieux. Pour l’instant, la VDL a choisi d’y maintenir la politique du pop-up, avec une durée déterminée, un système d’appel à candidatures et une commission d’attribution par lequel sont passés tous nos premiers occupants des bâtiments, nommés sobrement « A » et « B ».
« Colocataire » de Julie dans le premier, le designer graphique et illustrateur Henri Schoetter a installé son premier bureau dans le Design Hub de Hollerich en octobre dernier et y apprécie tout particulièrement la stimulation créative et l’accessibilité qu’il offre. Il confie ainsi que « l’histoire et la vibe du quartier sont une source d’inspiration et d’attractivité pour des créatifs comme nous. J’ai toujours travaillé de chez moi, ou en vadrouille. Je travaillais aussi dans un grand atelier partagé pendant mes études à Vienne, et ici c’est un bon mix de tout, qui stimule aussi l’entraide et notre réseau ».
Ambitions futures
Thomas Tomschack, président de Design Luxembourg, salue lui aussi le caractère très central et facilement accessible de l’adresse, notamment en mobilité douce. Mais il tient aussi à questionner le régime pop-up, concernant par exemple la présence de la fédération sur place. « Le système de pop-ups est quelque chose de clairement vertueux, mais il ne faut pas oublier pour autant que nous ne sommes pas des boutiques ou des commerçants. Design Luxembourg travaille d’arrache-pied pour assurer son rôle de fédération nationale et le fait d’avoir un lieu identifié est primordial à mon sens pour ce faire ». En effet, si Hollerich devient la nouvelle Mecque locale du design, il semble tout naturel que son entité fédératrice y soit installée de manière fixe…
Julie Conrad, quant à elle, émet également un souhait : celui d’un agrandissement de cet espace d’accueil – qui constitue une sorte de test – dans l’ancien Choco par exemple, encore vide aujourd’hui, pour en faire un vrai hub, pérenne et brassant toute une génération de designers locaux. « Ce Design Hub est absolument nécessaire : le design doit avoir un visage, un lieu de rencontre dans la capitale, car il fait partie de l’identité même d’une ville et d’un pays », conclut-elle. Des designers qui pourront peut-être trouver espace à leur pied dans la future transformation du Schluechthaus, aka les anciens abattoirs de Hollerich, qui seront reconvertis par le bureau d’architectes 2001 dans les années à venir suite à l’attribution du marché par la Ville de Luxembourg en septembre dernier. En effet, sous la future structure monumentale climatique et transparente du projet «s^^^h», des espaces dédiés à la création ont été prévus en plus des habitations, commerces et autres lieux de rencontre. De fait, si le design continue à être poussé vers le haut par la capitale luxembourgeoise comme l’avait assuré sa bourgmestre Lydie Polfer lors des Luxembourg Design Awards 2023, il y’a tout à penser qu’il fera partie de cet autre projet très attendu du « nouveau » Hollerich… Fingers crossed ?
Ce format est également à retrouver dans Bold Magazine #84, à lire en ligne ici!
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