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Alignement des astres avec Spike et Arnaud De Meyer

Par Fabien Rodrigues

Amis depuis deux bonnes décennies, l’architecte et dessinateur compulsif Arnaud De Meyer et le street artist Spike ont enfin pris le temps de s’acoquiner officiellement pour un premier bouquin ensemble. Inspiré par le quartier du Metzeschmeltz à Esch-sur-Alzette, l’ouvrage se nomme « Lignes » et constitue un véritable haïku visuel en hommage à la ligne droite…

Mais avant d’être une ode à la complémentarité des approches artistiques et éditoriales de deux professionnels luxembourgeois à la réputation éprouvée, Lignes est avant tout la concrétisation de nombreuses discussions et idées communes pour que Spike et De Meyer traduisent sur le papier leur volonté de collaboration. « Spike et moi avons commencé à bosse ensemble il y a une vingtaine d’années. Il a créé le premier logo de Steinmetz – De Meyer, le cabinet d’architecte qui j’ai monté avec Nico Steinmetz, puis s’est occupé de sa première refont et de sa transformation lors du passage au nom STDM. Les occasions d’imaginer créer des choses ensemble n’ont donc pas manqué depuis tout ce temps ! », nous confie ainsi Arnaud.

De plus, les futurs coauteurs sont alors voisins ou presque, Spike occupant une maison non loin du bureau de l’architecte, alors dans le petit quartier pittoresque de Malakoff, à Clausen. Un quartier où Spike apposera d’ailleurs, en 2018 et 2019, son style très reconnaissable, dans une version colorée, sur les fenêtres condamnées d’un ensemble de maisons vides s’y trouvant. « On s’est vite un peu reniflé les carnets », nous confie l’architecte, amusé, tout en nous montrant les nombreuses illustrations assez bluffantes avec lesquelles il noircit au feutre noir Staedtler 0,5 ses carnets de dessins, notamment lorsqu’il voyage, mais aussi dans ses errances grand-ducales.

Un lieu avant tout.

C’est d’ailleurs une de ces errances, mais une de Spike, qui sera l’occasion du larron, l’étincelle derrière l’idée de Lignes. Elle mène l’artiste au cœur du quartier Metzeschmeltz, qu’il connait déjà par des projets précédents sur place, une friche industrielle entre Esch-sur-Alzette et Schifflange vivant ses derniers jours avant d’être transformée en nouveau quartier durable et flambant neuf. La géographie et l’agencement de cette ruine inspirante sont un déclic, comme nous l’explique Spike : « L’ambiance est assez dingue, il y’a des passerelles, des tuyaux de refroidissement, des anciennes écluses, des bassins de rétention des boues… On se serait cru dans Brazil de Terry Gilliam. J’y ai vite vu un canevas parfait pour un travail sur les lignes, que j’exploite beaucoup ces derniers temps. »

Il appelle son ami et l’idée de Lignes vient assez rapidement, avec d’un côté la notion d’une certaine pureté pour Spike – via l’utilisation exclusive, mais « tout de même assez dirty – de lignes droites et fines peintes à la bombe, sans courbes ni angles, pour dessiner les différentes fresques qui viendront orner quelques murs des lieux ; de l’autre, une grande complémentarité pour l’approche éditoriale claire d’Arnaud De Meyer, notamment en matière de procédé et d’identité visuelle.

Le camp scout, puis l’ouvrage.

Une fois le concept posé, il ne reste qu’à passer un peu de temps sur place pour faire naître le contenu du futur ouvrage. Une sorte de camp arty à deux de quatre ou cinq jours, dans le froid de la friche eschoise, avec des déjeuners sur le pouce à base de gamelles audacieuses, surtout du côté De Meyer a priori… Alors que Spike peint, Arnaud « documente » en imprimant, parfois « comme un négatif », le travail qui se déroule devant lui. Des œuvres temporaires par nature, dans un lieu en transition par excellence, un entresol de passage, à la lumière rare et relativement petit par rapport à l’ensemble du site.

« On est contents d’avoir pu se bouger et réaliser cela avant qu’il n’y ait trop de monde, parce qu’on a mis plusieurs mois avant d’y aller et qu’on a commencé à voir les choses trop bouger sur place ! », nous confient les auteurs de Lignes. Le rendu ? « Je trouve que c’est vraiment très joli », résume bien Spike ! Le bouquin transpire le cahier de dessin dans une version curatée, aboutie, tout en gardant une certaine rough vibe. Les lignes droites y sont évidemment omniprésentes, dans les photos des peintures murales tout comme dans les croquis dans lesquels on retrouve vraiment l’ambiance d’ « inframonde » du Metzeschmeltz… Le mariage du noir et blanc favorisé par Spike pour les œuvres in situ et d’un jaune fétiche de De Meyer est quant à lui très plaisant à l’œil, tout comme l’utilisation de plusieurs papiers à la texture et au relief différents l’est au toucher. Un livre « homogène », qui traduit bien l’admiration réciproque et bienveillante que se portent les deux créatifs.

Et les gimmicks des deux comparses ne se sont pas arrêtées à la rédaction de l’ouvrage, puisque Lignes a été imprimé en 111 exemplaires (toujours) disponibles uniquement sur le site de Spike, qui sourit largement en nous disant que « bah oui, 111 c’est trois 1, donc trois lignes au final ! ».

Du nouveau !

À peine Lignes paru au cours de cet été 2023 qu’Arnaud De Meyer rempile pour une nouvelle aventure éditoriale commune avec le livre « Luxembourg, sketch by sketch », qui sera dévoilé au public le 23 septembre prochain à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine. Il s’agit d’un recueil de croquis réalisés sur le vif dans les rues de la Vieille Ville de Luxembourg entre 2016 et 2023 par Arnaud et orchestré graphiquement par Vidale-Gloesner, en co-édition avec le Comité Alstad. Dessinés directement au feutre, juste en noir sur blanc ou parfois aquarellés, les croquis présentent les lieux et bâtiments dans le style caractéristique de l’architecte belgo-luxembourgeois et pourraient tout à fait tenir lieu de décors de bandes dessinées. Le format de l’ouvrage – A5 paysage – correspond à la taille des carnets originaux utilisés par celui-ci, présentant ainsi les croquis en taille réelle.

« Ce livre est né de l’envie de faire mieux connaître la Ville de Luxembourg. Les croquis rassemblés dans ces pages illustrent différents lieux de la Vieille Ville et des faubourgs historiques qui m’ont marqué. Je souhaite que ces dessins poussent à la découverte et permettent aux futurs lecteurs de porter un regard différent sur cette ville ! », conclut Arnaud De Meyer.

Ce format est également à retrouver dans le Bold Magazine #81, à lire en ligne ici!

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