La peinture libre et alléchante d’Ugo Li
À 36 ans comme lorsqu’il était tout petit, Ugo Li n’a qu’une obsession : trouver sa liberté dans la peinture. Originaire de Paris, où il travaille toujours à présent, l’artiste voyage, s’en inspire tout comme du quotidien et peint, toujours et encore. De chez Reuter Bausch, sa galerie luxembourgeoise, au Cercle Cité où il participe à l’exposition collective Hors-d’œuvre jusqu’au 21 janvier, il tisse également un lien de plus en plus fort avec le Grand-Duché… Rencontre.
Ugo Li est né à Paris, d’une mère française et d’un père artiste chinois. Il est peu dire que le jeune garçon baigne alors très vite dans la peinture, les couleurs et les pinceaux… « Dans mes souvenirs les plus lointains, j’ai toujours griffonné des choses sur les murs. Lorsqu’on me demande depuis combien de temps je peins, je me dis souvent qu’il n’y a pas eu d’avant-après, pas eu de moment où je n’ai pas peint ou dessiné », nous confie ainsi celui qui s’orientera tout naturellement vers des études artistiques et les Beaux-Arts de Rouen. Pendant cinq ans, il y touche à tout, mais c’est une fois de plus la peinture qui sera son cheval de bataille. Son diplôme en poche, il s’installe pendant un an à Montréal, période pendant laquelle il fait « de nombreux allers-retours à New York, ce qui m’a permis de connaitre à ma guise cette ville inspirante ».
Voyages, pandémie et réseaux sociaux
Il enchaîne avec l’Asie, pour un voyage plaisir de quelques semaines au départ… Il y restera finalement 6 ans, de 2013 à 2019 : « J’avais la chance d’avoir de la famille en Thaïlande et j’ai ressenti une grande liberté très intéressante pour mon travail là-bas. C’était de plus une période très dynamique sur la scène artistique du pays, ce qui m’a poussé à rester bien plus longtemps que prévu. » Il rentre finalement à Paris, mais la pandémie débarque et le cloitre chez lui, seul. Il décide alors de s’inscrire dans une sorte de stakhanovisme de peinture, en essayant de « terminer chaque jour une peinture ». Un rythme intensif combiné à une présence accrue sur les réseaux sociaux pour communiquer et vendre ses toiles, qui vont finalement aider à le faire repérer par des galeries en vue.
« La première fut la Galerie Saltiel à Paris. J’y ai rendez-vous un jour avec un ami et acheteur pour la livraison d’une de mes œuvres et il se trouve alors que la directrice de la galerie reconnait mon travail, qu’elle avait repéré, justement, sur les réseaux sociaux. Elle m’invite très vite à participer à une exposition collective à Lille Art Up ! où les 12 moyens formats que je lui confie pour l’occasion sont vendus en 4 jours… C’est aujourd’hui ma galerie exclusive pour la France ! Puis à la même époque, Julie Reuter, qui est en train de préparer l’ouverture de sa Reuter Bausch Art Gallery à Luxembourg, me contacte également grâce aux réseaux sociaux et me propose de participer à son expo inaugurale. » Un changement de paradigme et de rythme de vie qui vont permettre à Ugo Li une plus grande aisance logistique, financière et matérielle et ainsi lui permettre « de peindre à temps plein, du dimanche au dimanche. »
La peinture au corps
Pour sa peinture, Ugo Li s’inspire de ce qui l’entoure et des émotions qu’il éprouve à son contact. De la culture d’aujourd’hui et des tendances sociales, comme le partage toujours plus abondant et excessif de ce qui se passe dans nos assiettes et qui va inspirer plusieurs de ses séries. Il précise : « Les tables que je peins racontent beaucoup de choses quant à une narration, un début, une fin de repas plus souvent. C’est une peinture très instinctive, pour laquelle je ne réalise pas de croquis et qui fait appel à une grosse part d’inconscient que je ne contrôle pas et que je ne souhaite pas contrôler… » Ugo aime aussi laisser au spectateur de son travail une part de liberté quant à l’interprétation qu’il en fait. « Si la chaise fait penser à la chaise du voyageur ou du défunt, tant mieux, c’est une interprétation, une lecture valable et personnelle. »
La liberté. Valeur sine qua non de l’acte de création artistique pour Ugo Li. Un besoin et une manière de se sentir plus libre, un idéal de vie. Une peinture « pas forcément très militante, mais qui me permet de respecter ma liberté, de peindre chaque jour, de peindre dans le style que je souhaite sans m’enfermer dans un carcan de style. » De faire quelque chose qui lui plait – et qui semble plaire au-delà de son studio vu le succès qu’il rencontre actuellement. Un processus de pensée qui va amener l’artiste à Séoul en 2024, mais qui lui a aussi permis de se laisser à nouveau séduire par la céramique, ce qu’il a montré récemment lors d’un solo show dans sa galerie parisienne avec trois vases réalisés et faisant comme un trait d‘union avec sa série de tables actuelle…
Hors-d’œuvre
À deux heures de TGV – quand tout va bien – il est aujourd’hui évident que le peintre renforce son lien avec le Luxembourg. Après la toute première exposition de la Reuter Bausch Art Gallery susmentionnée, ses pièces y sont de nouveau apparues en juin 2023 pour un duo avec Catherine Lorent. C’est là qu’Anastasia Chaguidouline, nouvelle directrice artistique du Cercle Cité, remarque la pertinence de son travail pour l’exposition Hors-d’œuvre qu’elle prépare pour la fin d’année. « Cela semblait en effet dans une continuité parfaite avec la série sur laquelle je travaillais, c’était donc un bon timing qui m’a incité à créer des œuvres ad hoc pour cet événement », nous confie Ugo. Hors-d’œuvre, présentée à la galerie Ratskeller du Cercle Cité jusqu’au 21 janvier 2024, est consacrée au thème et à la métaphore de la nourriture dans l’art contemporain. Elle y a pour vocation de mettre en lumière la relation complexe entre l’homme et son alimentation, et présente l’interprétation artistique de la consommation alimentaire, ainsi que ses effets sur la société et l’environnement en particulier.
« Dans ses peintures, Ugo Li joue ici avec l’iconographie des banquets et de l’abondance, en se référant à l’absurde et en jouant avec les mots. La figure humaine, généralement absente, nous est parfois révélée par de petites parties du corps humain, comme des mains ou des doigts. L’artiste met en avant le rituel de la consommation de nourriture et ce qu’il implique, culturellement, socialement ou au niveau interpersonnel, relationnel. Les épisodes se déroulent dans un restaurant ou à la maison, ensemble ou seul, évoquant les traditions, la gourmandise et notre réalité capitaliste. Parfois, ses toiles ressemblent à une scène de film, à un repas ou à une fête de famille, quelques minutes avant l’escalade narrative », précise Anastasia Chaguidouline dans sa description de l’exposition.
Food & Art, une combinaison qui semble toujours plus s’imposer comme une évidence, à l’instar du projet Turning Tables, dont nous vous parlions dans notre numéro 79 de Bold, on encore avec l’exposition All You Can Eat, présentée actuellement elle aussi, au Luxembourg City Museum et jusqu’au 14 juillet prochain cette fois. Mais sans Ugo Li !
Ce format est également à retrouver dans le Bold Magazine #83, à lire en ligne ici!
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