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Le kiff made in Normandie

Par Fabien Rodrigues

Les vaches rousses, blanches et noires, les pommiers dans la prairie, les cerisiers blancs et les petits villages pleins d’amis : si en 1973, Stone et Charden ont tapé plein pot dans l’image d’Épinal de la Normandie pour écrire leur titre phare, le duo n’avait pas tout faux… À quelques petites heures de route, celle-ci est plus que jamais une destination pleine de charme et d’amour des bonnes choses pour une courte escapade. Plages iconiques, campagne verdoyante, culture, gastronomie et calvados : difficile de faire programme plus complet. Embarque donc dans le Normandy Express, baby !

Il serait bien présomptueux de prétendre pouvoir couvrir toute l’étendue du charme normand en un seul voyage, même de quelques jours. Il fallait donc choisir, et choisir c’est renoncer, en l’occurrence la très basse Normandie – avec l’incontournable Mont-Saint-Michel, la « presqu’île » du Cotentin ou encore la Tapisserie de Bayeux ; mais aussi à la très haute Normandie, avec les villes côtières très en vue du Tréport et de Dieppe ou encore la capitale régionale, Rouen. Pour ce city trip qui nous tendait les bras alors que la nouvelle année n’avait que quelques jours à son compteur, il semblait de bon aloi de se concentrer sur une petite portion centrale, là où haute et basse se rejoignent à l’embouchure de la Seine… Attrait touristique des Parisiens depuis toujours ou presque, celle-ci concentre en effet pas mal de jolies cartes à jouer pour la région normande et ses forces vives – il serait donc dommage de s’en priver !

Plein les mirettes à Étretat

En commençant par le nord – puisque l’être humain est toujours plus enclin à descendre qu’à monter – la petite ville d’Étretat reste une destination imparable pour qui veut voir du lourd niveau paysage. Car oui, les plages normandes, c’est évidemment le Débarquement, un peu plus bas, mais c’est aussi dans l’esprit collectif la célèbre arche rocheuse que l’on y trouve, à savoir la Falaise d’Amont qui se tient en pole position de la skyline régionale. L’admirer depuis le front de mer du centre-ville ou depuis la falaise opposée sont évidemment une bonne idée, mais englober le tout avec un point de vue plus original peut changer la donne…

Ça tombe plutôt bien puisque c’est un des nombreux atouts du Domaine Saint Clair – Le Donjon, sur les hauteurs d’Étretat, où nous avions décidé de poser nos valises. En 1862, en haut du Val Saint Clair, sur des vestiges romains et d’anciens tunnels, le Donjon sort de terre sous la forme d’une imposante bâtisse anglo-normande. Domaine privé, passé de main en main, il sera ensuite occupé par un propriétaire exubérant, qui, fort de conviction, hissait le drapeau à tête de mort et tonnait le canon à chacune de ses arrivées, comme un clin d’œil à l’insularité latente de la ville. Ce n’est qu’en 1978, avec la famille Abodib, que le domaine deviendra un bel établissement hôtelier empreint d’histoire et de caractère… La légende raconte qu’à sa naissance, le célèbre gentleman cambrioleur Arsène Lupin aurait été déposé sur les marches du Donjon ! En 2002, le propriétaire actuel, l’hôtelier Omar Abodib, ajoute à l’établissement la Villa attenante puis transforme le Cottage de la propriété en quatre belles chambres supplémentaires en 2019. C’est là que nous attend la superbe suite Lili, avec la gigantesque baie vitrée n’ayant d’égal que la salle de bain avec double douche et baignoire, le tout dans un décor à la fois subtilement vintage, chaleureux et très tendance.

Le temps d’un plouf et l’apéritif s’impose dans le foyer de l’hôtel, joyeux mix entre jardin d’hiver et véranda chauffée au feu de bois… De grands plaids, de gros canapés bien dodus et les cocktails détonants de Nico, truculent bourlingueur kiwi : ah, on est bien, comme le disait le grand penseur Pascal Sevran. Mais tout cela n’est qu’un préambule à la soirée gastronomique canon qui attend les insatiables fines bouches que nous sommes ! Le restaurant gastronomique du Donjon, titulaire d’une étoile Michelin, dispose de deux belles salles, mais on se rue – sur réservation – sur le salon des créateurs entièrement décoré par the one and only Jean-Charles de Castelbajac. On ne rentrera pas dans les détails du menu, car il s’agissait alors d’un des derniers du chef Gabin Bouguet, qui partait s’installer à son compte à Dieppe quelques jours plus tard. Il est toutefois remplacé depuis par une valeur sûre de la jeune scène française en la personne du chef Rodolphe Pottier, un enfant du pays, plus jeune étoilé dans la promo 2017 du Guide Michelin et qui partage avec son prédécesseur les mêmes amours pour une gastronomie durable et responsable, autour de la naturalité, du végétal et de la mer. Viandards invétérés, passez votre chemin ! N’en oublions pas pour autant le Bistrot Saint Clair, avec là une approche tout autre puisque le chef Senda David Waguena y distille les influences de son Togo natal, combinées à son expérience de plusieurs années en Italie et à son goût prononcé pour la cuisine nippone… En très bref, difficile de ressortir du Donjon la faim au ventre.

Mais c’est effectivement depuis la terrasse de la piscine chauffée (de mi-mars à mi-novembre) – ou encore mieux : depuis le jacuzzi panoramique privatisable (photo principale de l’article) – que l’on prend la vue 100% Étretat en pleine figure, et soyons honnêtes, on en redemande ! Avant de repartir, on repasse évidemment par le centre-ville et on déjeune bien volontiers au Bel Ami, autre établissement du groupe, où les influences libano-normandes du patron se font bien sentir sous la plume – enfin dans la poêle – de Loïc Lourmière et dans sa carte courte et canaille ! Indices : escargots en tempura, carpaccio de Saint-Jacques locales au sumac ou encore trilogie de houmous. L’endroit et chaleureux, y’a du bon pinard et c’est juste assez en retrait pour être un peu tranquille avec quelques habitués du coin – ça fait plaisir.

Santé au Pays d’Auge

Il est temps de reprendre la route, de dépasser Le Havre et d’aller goûter un peu ce que la campagne normande fait de meilleur : des pommes, des poires et pas de scoubidous (désolé pour blague de tonton), mais bien du Calvados, non, mais ! Et pas n’importe lequel, puisqu’on avait la chance d’être invités à découvrir le domaine Christian Drouin, un des plus prestigieux en la matière et détenteur d’un nombre quasi incalculable de prix nationaux et internationaux. Le calva’ a la cote et c’est indéniable, en atteste l’organisation d’un concours de bartending lui étant dédié à Luxembourg en septembre dernier. Alexandre Mermillod, brand ambassador de la marque, nous raconte alors qu’un bar de Kyoto, le Calvador, en propose plus de 250 références au verre ou encore que l’Operkallaren de Stockholm offre une dégustation verticale de millésimes Christian Drouin. Réputation, ambition : Drouin est là pour rester, mais aussi innover, comme le prouve la gamme dingue de gins que produit l’actuel chef de famille et d’exploitation, Guillaume Drouin. À noter que ce dernier sortira bientôt sa « Blanche » dans une version bio vieillie en amphore et titrant à 60° – si ça c’est pas un gros « santé ! », on voit pas bien qui le mériterait…

Une visite du site, composé de splendides édifices typiques de la région, est un véritable voyage dans l’histoire de la famille, du calvados, du Pays d’Auge et – quelque part – de la France. L’alambic Pierre Pivet, utilisé jusqu’en 2017, a été fabriqué au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec des restes de chars américains par un grand pote du grand-père de Guillaume. Derrière l’ancien bassin de lavage, qui alimente à présent le nouvel alambic en eau, le vieux four à pain a été remis en état tout récemment et permet d’inviter chaque mercredi d’été ou presque des artisans locaux pour réaliser avec eux des pains d’exception, dans un cadre qui l’est tout autant. Le plein de savoir, de tradition, mais aussi de dégustation sur place, avec des visites personnalisées autour de l’irrésistible eau de vie de cidre, des cours d’assemblages ou encore des pique-niques gourmands au verger… Cerise sur le gâteau – on reste dans le fruit – le domaine Christian Drouin se dotera dès le printemps d’une crêperie, au sein du petit manoir trônant fièrement en son centre.

Après tout cela, pour passer une bonne soirée et la nuitée en conséquence, direction la côte et l’imparable duo Deauville-Trouville, à 15 minutes de là à peine. Envie de chic bourgeois et d’une belle photo sur les fameuses planches le lendemain au réveil ? On prend à gauche vers Deauville, où on réserve les yeux fermés à L’Équilibriste pour un super apéro cocktails et quelques grignotages bien faits – big up à l’œuf cocotte au camembert et au tarama truffé maison – ou encore, juste à côté, face au charmant marché couvert de la ville, chez Fanfaron, petite adresse bistronomique à pas piquer des hannetons !

Envie d’une ambiance plus chill, moins chère, et de dégommer des fruits de mer ? Alors on prend plutôt à droite vers Trouville-sur-Mer avec un dîner dans une des grandes brasseries du coin (Le Central, Les Mouettes, Le Noroit…) et un déjeuner sur le pouce et le casse-pince après avoir composé soi-même son plateau de fruits de mer sur les fantastiques étales du Marché aux Poissons… Un must absolu. Peu importe la formule choisie cependant, un rendez-vous immanquable s’impose avant de quitter ces hauts lieux de villégiature, histoire d’ajouter un épisode culturel au tout : une visite au nouveau centre culturel Les Franciscaines, inauguré en mai 2021 et s’imposant sans mal comme une destination à lui seul.

Situées dans l’ancien orphelinat Saint-Joseph de la Congrégation des Sœurs Franciscaines, un bâtiment auquel les locaux étaient déjà très attachés, Les Franciscaines proposent des expositions temporaires curatées avec soin, des espaces de lecture et de détente cossus ainsi qu’un étage entier ou presque dédié à la culture hippique si liée à Deauville. Un petit café sur la terrasse et on est bon pour enchainer…

Cabourg, mon amour

Ainsi, en quelques minutes de route, on se retrouve facilement sur la plage de Cabourg, et quelle plage ! Le front de mer, tout comme le petit centre-ville, vaut clairement le détour et il est vite clair que le surnom de « Reine de la Côte Fleurie » est loin d’être usurpé ! Connue pour ses bains de mer dès 1855, la ville s’est fortement développée depuis comme en témoignent les nombreuses villas Belle Époque très bien entretenues, qui font partie intégrante du panorama de la station balnéaire. Les amoureux d’architecture ne sauront pas où poser le regard tant l’abondance de ces superbes maisons est agréable à l’œil…

Cabourg possède également tout ce qu’il faut pour un séjour à la mer divertissant : thalasso, casino, festivals intimistes, courses hippiques ou encore l’intrigante Villa du Temps Retrouvé, un espace muséal doté d’une technologie immersive qui, à travers des œuvres d’art, du mobilier, des films, des photographies, des sons et des costumes, plonge les visiteurs dans le temps de la Belle Époque et de Marcel Proust, figure emblématique de la région. Les salons du superbe édifice mettent également en lumière les univers d’artistes comme Claude Monet, Jacques-Émile Blanche, René-Xavier Prinet, Claude Debussy… Pour une pause déjeuner réussie

Enfin, si Cabourg et sa grande plage se font facilement à pied, on prendra aussi le temps de visiter Houlgate, commune mitoyenne tout aussi charmante, mais aussi Beuvron-en-Auge, un des « plus beaux villages de France » qui fleure bon le terroir avec ses champs de pommiers, ses colombages, ses chevaux, ses petites boutiques et ses producteurs locaux… Bref, on connaissait Bourg-la-Reine, voici la reine Cabourg !

Ce format est également à retrouver dans Bold Magazine #84, à lire en ligne ici!

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