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Sophie Mousel, briseuse de planches et d’écrans

Par Fabien Rodrigues / Shooting photo Bold : Hadrien Friob au Grand Théâtre

S’il est une actrice luxembourgeoise qui peut se targuer d’une actu très chaude en cette rentrée, c’est bien Sophie Mousel ! On l’a connue grave et iconoclaste sur du Marivaux, du Tchekhov ou du Musset, ou en policière intrépide dans la série événement Capitani, il faut s’attendre à la voir crever l’écran avec un rôle principal dans le premier film de Loïc Tanson et brûler les planches dans la nouvelle création de Myriam Muller, en ouverture de la saison du Grand Théâtre… Ça valait bien une couverture !

Bonjour Sophie, tu nous fais ta bio en quelques lignes ?

Je suis luxembourgeoise. J’ai grandi avec beaucoup de musique classique dans les oreilles et j’ai découvert le théâtre à 15 ans, au lycée. Je n’avais jamais réellement envisagé une carrière artistique, j’étais au contraire partie pour faire des études de lettres modernes à l’étranger, revenir au Luxembourg et devenir enseignante. Un jour, je suis entrée presque par hasard dans une salle noire au Cours Florent, avec juste deux projecteurs, et ce détour a changé ma vie…

Tu partages ta vie et ton activité entre Luxembourg et Paris, entre scène, petit et grand écran : est-ce que tu t’épanouis dans le changement constant, l’équilibre ou les 2 à la fois ?

Pour moi la vie même se définit – ou disons plutôt qu’elle trouve son charme et sa force dans le changement. Dans le mouvement. Tout ce qui bouge est dynamique, donc vivant, et donc me plaît.

Grosse rentrée pour toi avec tout d’abord un rôle de choix au cinéma, dans Läif a Séil de Loïc Tanson, peux-tu nous en dire plus ?

Je suis très excitée à l’idée que le film va enfin rencontrer son public dès le 29 septembre. C’est un film de genre, un western/film de vengeance, un projet ambitieux, où tout le monde de A à Z a dû et voulu se donner à 100% pour le réaliser.

Quelle est la particularité de tourner avec un réalisateur dont c’est le premier long métrage, comme c’est le cas ici ?

Déjà, quand on tourne avec un réalisateur dont on ne connaît pas encore le travail, on ne peut pas se dire « j’ai bien aimé son précédent film, il a eu du succès, il a de l’expérience… ». La relation se base du coup d’office sur la confiance et le ressenti. Et c’est en fait une très belle façon de commencer une collaboration. Ensuite, Loïc est arrivé avec un grand désir de raconter cette histoire, une sacrée préparation en amont, beaucoup de détermination et de vision, tout en gardant une ouverture d’esprit et une grande capacité d’adaptation. Il a surtout un profond respect pour le travail de l’acteur et ça, on le sent vite. Il entrait vraiment en dialogue avec nous pour chercher ensemble une voie commune. Ce projet a dû représenter un grand pas pour lui et peut-être aussi pas mal de pression…

Quelques indices supplémentaires en avant-première ?

Luxembourg vers 1834. Un village. Un seul mode de vie. Une enfance détruite. Et le retour 20 ans après pour se venger…

Ton meilleur souvenir de tournage sur ce set ? Et de manière plus générale ?

Les matchs de badminton endiablés avec Loïc, Yasin, et Jules Werner. J’ai dû me battre, je vous le dis, car ils étaient chauds les cocos! Et de manière plus générale… Sur le tournage de la série Capitani, l’accessoiriste m’a fait essayer des menottes, puis m’a fait croire qu’il n’avait pas les clés et qu’il fallait appeler la « vraie » police (Sophie Mousel jour le rôle de l’enquêtrice de police Elsa Ley dans Capitani, ndlr)… Grosse gêne. Dès que j’étais libérée, je l’ai bien sûr rappelé à l’ordre…

Tu lances également la saison 23/24 du Grand Théâtre et avec rien de moins que la nouvelle création de Myriam Muller, Elena. Quel y sera ton rôle ?

Je joue le rôle de Katia, la fille de Vladimir, mari d’Elena. Je suis une jeune intello, enfant gâtée, femme révoltée, insatisfaite, solitaire et sans filtre, qui ne trouve pas vraiment sa place dans la société, qui s’interroge beaucoup sur l’essence de l’amour, sur l’origine de l’être humain, son fonctionnement, sa véritable nature. Et malgré son côté très provoc, elle en tire quelques conclusions plutôt justes. C’est quelqu’un qui a une sacrée carapace, mais comme on le sait, c’est souvent l’arme de ceux qui souffrent le plus à l’intérieur…

Il s’agit de l’adaptation sur scène d’un film, étais-tu familière avec l’œuvre originale ou l’as-tu découverte suite à l’obtention du rôle ?

J’ai d’abord lu la pièce adaptée par Myriam avant de regarder le film que j’ai vu, au final, assez tard.

Quels sont pour toi les défis d’une œuvre adaptée de la sorte ?

Le défi, c’est tout d’abord que la pièce et le texte sont basés sur un film, mais qu’on est au théâtre. Donc il faut tout de même qu’il se passe quelque chose dans les corps, dans les voix, qui ne soit pas que cinématographique. Mais c’est aussi une des utilités de la vidéo dans la mise en scène, parce qu’elle aide à rentrer davantage dans l’intimité d’un personnage. C’est une pièce avec, dans beaucoup de scènes, très peu de mots et beaucoup d’actions quotidiennes. Donc l’autre défi est dans la sobriété : c’est de garder l’attention du spectateur à travers une tension qui plane en permanence, de faire en sorte que le silence n’ennuie pas, mais donne le temps au contraire de connecter le spectateur à son ressenti…

Parmi les thèmes abordés, il y’a l’amour, mais aussi la codépendance et l’aliénation de la femme, le déterminisme social… Quels sont les scènes ou les aspects de la pièce qui te marquent le plus ?

Oui, ce qui me marque et me fait réfléchir, mais depuis toujours, c’est… à quel point se connaît-on nous-mêmes ? Elle m’intrigue, la nature profonde de l’être humain, notre côté animal, notre égo et tout ce qui va avec, notre égoïsme, notre soif de connaissance, de possession, de pouvoir, de reconnaissance, d’amour, et notre instinct de vie et de survie ! Jusqu’où on va dans une situation extrême ? Si on observe bien, tous ces aspects se trouvent chez tous les personnages. Et pas que chez les personnages… Mais souvent, la partie animale de nous-mêmes, on ne la conscientise pas… Elle peut rester très longtemps une part de mystère…

Y’a-t-il des moments difficiles à jouer ? Des défis particuliers pour toi ?

Je verrai ça quand il y aura des spectateurs dans la salle ! Mais ma mission est avant tout de défendre Katia, mon personnage.

Qu’aimes-tu dans le théâtre que le cinéma ne peut apporter, et inversement ?

Ce que j’aime au théâtre, c’est que tout est permis d’une certaine façon. Les choses que tu fais sur les planches, tu les ferais devant une caméra, souvent à l’image, ça ferait faux. Alors qu’au théâtre – et ce n’est pas une question de jouer bien ou pas bien, sincèrement ou pas – ça marche, et ça dépasse même la vie de tous les jours : tu vois quelque chose qui te paraît profondément humain, juste et vrai sur scène, même si personne n’agit comme ça au quotidien. Moi, ça me procure un sentiment de bonheur parce que ça repousse les limites de l’humain. Au cinéma, de la même façon, ça me fascine que la caméra dépasse notre œil à nous et puisse sublimer certains moments ou certaines matières, comme la lumière sur un bout de tissu, une caresse sur la peau, un battement de cil, un regard, un sourire, un mouvement. À l’écran, je vais voir et ressentir quelque chose de plus. Et c’est là-dedans, dans cette part d’indescriptible, d’insaisissable, que repose la magie du cinéma.

Ton rôle principal dans la série à succès Capitani t’a fait connaître auprès d’un public très large, quel est ton regard sur cette aventure ?

Capitani m’a évidemment beaucoup apporté et je resterai toujours très reconnaissante envers mon premier gros projet/rôle luxembourgeois. Les débuts sont précieux, mais pas toujours faciles, parce que lorsqu’on ne te connaît pas du tout encore, il faut toujours quelqu’un qui croit en toi en premier. Et Capitani, ce sera toujours ça pour moi.

Le fait d’être sur une plateforme comme Netflix te rend-il plus « bankable » ? Cela a changé des choses pour toi ou est-ce simplement un rôle particulier sur un canal de diffusion particulier et tu es passée à autre chose ?

C’est évident que c’est pas mal d’avoir Netflix marqué sur le CV par les temps qui courent. Surtout si l’on vise une carrière internationale, ça ne peut qu’aider. Après, j’aime beaucoup de choses différentes, donc je laisse la vie me guider et je me fais confiance pour atterrir là où je dois être.

Que fait Sophie Mousel quand elle ne joue pas ? Y’a-t-il des causes ou des messages qui sont importants pour toi ?

Je n’arrête jamais de jouer ! J’aime l’essence même du jeu. Si ce n’est pas l’acting, c’est le tennis, la boxe, les jeux de société, la musique. La composition en ce moment.

Et bien sûr qu’il y a des messages et des causes importantes pour moi. Je ne suis pas forcément quelqu’un qui se sent à l’aise lors de manifestations ou dans des mouvements de foule ; pour le moment je me bats pour mes principes et valeurs dans la vie de tous les jours, avec et dans mon entourage, et en faisant du bien dès que je peux. Mais j’aimerais plus utiliser mon art pour faire du bien, par exemple aux enfants malades, ou j’aimerais me battre pour aider les animaux maltraités ou en voie d’extinction, pour protéger la nature aussi… Mais c’est compliqué, parce qu’on aurait besoin de dédier sa vie entière à ça – et encore ! – tellement on s’est enfoncé et trop longtemps pris pour des dieux.  L’être humain manque cruellement de modestie… C’est malheureusement un fait.

Un petit plaisir coupable quand même ?

Mon plaisir coupable ? Le Mont-Blanc. Pas la montagne française, mais celui qui finit dans mon estomac !

Tu reviens d’un road trip en Norvège, des bonnes adresses pour Bold ?

Prenez la voie du plaisir ! Première à gauche. La vue est sublime.

Cette grande interview est également à retrouver dans le Bold Magazine #81, à lire en ligne ici!

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